Fermeture de Continental en France: Schaeffler étouffé par le rachat de Continental Allemagne
Par Michel Verrier, mercredi 18 mars 2009 à 10:50 :: économie :: permalien #88
Maria Elizabeth Schaefler, 67 ans, blonde rutilante au foulard rouge de cachemire fétiche, la veuve de Georg l'un des frères fondateurs du groupe, est devenue l'image de la capitaliste à poigne, forçant les portes du conseil d'administration de Conti, qui lui était hostile. Planifié avec son fils Georg, 44 ans, et son éminence grise, Jürgen Geißinger le manager du groupe Schaeffler, le raid sur Continental était un coup de pocker, « menaçant à terme le groupe de pneumatique de démantèlement », s'insurgeait en juillet Hubertus Schmoldt président du syndicat de la chimie.
La direction de « Conti » rejetant l'offre de rachat, accusait le groupe bavarois d'avoir amassé avec des pratiques de pirates plus de 30% du capital de la firme, acquérant une minorité de contrôle. Un Monopoly appuyé par un consortium de banques dont la Deutsche Bank, la Dresdner Bank, la Commerz Bank, la banque suisse UBS. Pour emporter le morceau Schaeffler déposera le 15 juillet une offre de rachat de 11,2 milliards d'euros. Jürgen Geißinger assurait alors que son groupe n'avait aucune intention de revendre les activités de la firme de Hannovre et comptait l'intégrer tel quel, en sauvegardant les emplois.
A Herzogenaurach, c'était l'euphorie. La prise de contrôle de Conti par Schaeffler passait pour le coup du siècle, garantissant l'avenir de la ville et ouvrant de nouveaux horizons pour l'équipementier Schaeffler fait vivre Herzogenaurach. La municipalité du maire social démocrate German Hacker perçoit chaque année 20 millions d'euros d'impôts de la firme. Maria-Elizabeth Schaeffler est « la bienfaitrice ». On lui pardonne l'étalage de sa fortune et de ses manteaux de fourrures à la station de ski de Saint Moritz. Un spectacle qui a déclenché les foudres du ministre du travail social démocrate, Olaf Scholz, le 21 février dernier, alors que Maria Elizabeth Schaeffler réclamait l'aide de l'état pour sauver son groupe. « La faillite de Schaeffler aurait les mêmes résultats dans le monde de l'automobile que celle de Lehman Brothers dans le monde de la finance », selon elle. « L'état n'est pas là pour réparer les bévues des milliardaires en fourrures », rétorqua Scholz.
La crise a précipité les commandes, le chiffre d'affaire de Schaeffler, la valeur des actions de Conti, et la production des deux firmes dans le gouffre. Les 11,2 milliards d'emprunts contractés par Schaeffler par contre sont toujours là. Le groupe se retrouve avec plus de 20 milliards de dettes au total, paralysé par l'affrontement au sein du conseil d'administration de Continental. Le consortium bancaire qui a financé l'emprunt de Schaeffler pourrait se rembourser en devenant le propriétaire de la firme, décidant ainsi de l'avenir des deux entreprises. Le ministre-président bavarois Horst Seehofer attend quant à lui le plan de sauvegarde du groupe d'Herzogenaurach, pour envisager une aide publique éventuelle.
Au même moment les projecteurs de l'actualité sont venus éclairer les ombres du passé nazi de Schaeffler AG. Officiellement son histoire commence en 1946, mais la fortune des frères fondateurs, Wilhelm, Georg, Gregor, pris racine sous Hitler. Ils avaient racheté en 1940 en Allemagne la fabrique d'un entrepreneur juif qui avait fui, et s'étaient emparés de l'entreprise d'une famille juive, Davistan AG, à Kiertz en Pologne. Ils employèrent des travailleurs forcés, français, russes, polonais, juifs, selon l'historien Gregor Schölgen, sollicité récemment par la famille pour faire la lumière sur l'histoire du groupe et fabriquaient des armes qui « permettaient à la machine de guerre et d'extermination allemande de poursuivre ses activités ». Selon un chercheur d'Auschwitz, le Dr Jacek Lachendro, une part des ballots de cheveux de prisonniers portant des traces de Zyklon B exposés au musé auraient même été retrouvés à Kiertz dans la fabrique des Schaeffler qui trafiquaient avec le camp d'extermination. Des révélations que conteste Gregor Schölgen.
Ce billet reprend un article écrit pour la Croix le 9 septembre..
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