Le collège Rütli revient de loin. Il y a deux ans la rébellion des enseignants du collège faisait la une de la presse allemande. Dépassés par la violence quotidienne plusieurs d'entre eux renonçaient à faire cours. Dans un appel à l'aide adressé au ministre de l'éducation berlinois, ils suggéraient même de fermer Rütli. Le stress quotidien, était devenu insupportable.
En quelques jours, le collège envahi par les caméras devint le symbole de l'échec, de l'impasse de ces collèges élémentaires (Hauptschule) qui récupèrent les élèves jugés les moins capables au sortir du primaire, dans un quartier problème qui plus est. A Neuköln, la banlieue populaire de Berlin, les allées de HLM côtoient d'anciens bâtiments industriels, le Turc est la seconde langue officielle. Les familles sans ressources n'ont aucun espoirs de voir leurs enfants « en sortir ». Plus de 80%des élèves du collège Rütli sont d'origine immigrée, 34% d'origine arabe, 26% d'origine turc. Et aucun d'entre eux ne trouve de débouché après l'école.
En urgence, les autorités scolaires berlinoises firent appel à Helmut Hochschild, directeur d'un collège élémentaire de Reinickendorf, symbole de la réussite, pour tenter de remettre Rütli sur ses rails. Hochschild se considère à la fois comme « un éducateur, un travailleur social et un conseiller des familles ». Fin psychologue sous des airs de grande gueule, motard endurci débarquant à l'école en blouson de cuir, il sait imposer une autorité sans être autoritaire. Partisan des méthodes scandinaves, il a observé sur place « les classes ou l'on enseigne à deux professeurs, avec le soutien du psychologue et de l'aide familiale ». Son collège de Reinickendorf mélange auto-discipline, écoute et sollicitation des élèves, incitation à l'initiative et au travail d'équipe. Il dispose d'une « station d'aide d'urgence» ouverte en permanence, ou les élèves peuvent venir vider leur sac, devant un médiateur. Ils sont eux même formés à prévenir les affrontements, la violence, avec l'aide de la police locale. Les enseignants volontaires reçoivent un formation psychologique élementaire.
Après avoir fait le constat qu'une bonne part des enseignants de Rütli restait disponibles, le nouveau directeur décida donc de s'atteler à la tâche, en mettant en oeuvre le principe du « Miteinander », du travail « les uns avec les autres ». Les gêneurs dans les classes en sont exclus, temporairement ou non, jusqu'à ce qu'ils respectent ceux qui veulent apprendre et cessent de troubler les cours. "L'enseignement commence vraiment quant on règle ces problèmes". Le succès du collège de Reinickendorf repose sur l'apprentissage dés l'école de l'initiative, de la créativité et du travail en équipe, en dehors de l'enseignement classique.
Plusieurs mini-sociétés, animées uniquement par les écoliers fabriquent des meubles, des vêtements, font fonctionner la cafétaria du collège, un atelier photo et un atelier ski. Ils gèrent et administrent eux même leurs minis sociétés, assurent les relations avec la clientèle, le service après vente.
La méthode a été transposée à Rütli. Après le montage d'un spectacle musical, public, pour « montrer qu'on tournait la page», les élèves ont choisi de mettre sur pied un atelier de confection, ils se sont chargés de trouver sa ligne et se sont notamment taillé une célébrité à Berlin, avec le « T-shirt Rutli ». « Les écoliers, écolières montrent ainsi ce qu'ils sont vraiment, assure une collégienne».
Ils racontent eux même l'histoire sur leur site Ruetli.biz
Un appel d'air qui a remis Rütli sur ses rails.
Un redressement qui aurait été impossible sans les liens que le nouveau directeur a contribué à re-tisser avec l'environnement, le collège et le lycée voisins, les jardins d'enfants, les associations familiales, et les entrepreneur, artisans volontaires, designer ou créateurs, tous disposés à donner un coup de main, pour sortir Rütli de l'ornière.
Le collège est devenu aujourd'hui un modèle à suivre. La municipalité envisage la création d'un campus, qui regrouperait les établissements scolaires voisins et permettrait les échanges, les aides réciproques le « Miteinander ».