Besancenot-Lafontaine, les faux jumeaux de la gauche de la gauche franco-allemande

Les partis à gauche des partis sociaux démocrates semblent avoir le vent en poupe en France et en Allemagne. Olivier Besancenot de la LCR est présenté dans les sondages comme l'un des opposants les plus déterminés de Nicolas Sarkozy. Son futur parti anti capitaliste pourrait devenir un vrai défi pour le PS. En Allemagne c'est Oskar Lafontaine qui bouscule le jeu politique traditionnel avec son parti la Gauche et ébranle le SPD au pouvoir à Berlin au sein de la grande coalition d'Angela Merkel.
Besancenot et Lafontaine s'affichent comme les portes-drapeaux de la "vrai gauche", les rassembleurs des déçus de la real-politique sociale démocrate au pouvoir, Jospin ou Schröder.

Et pourtant quelle différence entre les deux.
C'est bien connu, Oskar Lafontaine est l'ex président charismatique du parti social démocrate, du SPD. Il a été la cheville ouvrière de son accès au pouvoir en 1998 avec le chancelier Schröder. Lafontaine a été ministre-président durant treize ans du Land de Sarre à Sarrebrück. Il est à la fois un vrai tribun populaire -"populiste" disent ses critiques- et un social-démocrate convaincu, partisan d'une politique sociale qui permet aux salariés de profiter de l'économie capitaliste de marché, institutionnalise la co-gestion de l'entreprise par ses détenteurs et les représentants du personnel. Lafontaine pourrait être réélu l'an prochain ministre président en Sarre. Il est actuellement président du groupe parlementaire de la Gauche au Bundestag. Il n'a jamais goûté les organisations révolutionnaires et son courant leur a même fait la chasse dans le cadre de la constitution du parti la Gauche, avec l'ex PDS.
Olivier Besancenot a évidemment une toute autre histoire politique. Il est issu de la "famille" trotskyste française, un courant dont l'influence est absolument incontestable depuis des décennies à gauche du parti socialiste et du PCF. Au sein de la jeunesse, dans l'enseignement, les grandes entreprises de la fonction publique ou du privé, les Trotskystes de la LCR notamment représentent un courant une tradition révolutionnaire mettant en cause l'économie capitaliste, la propriété privée des entreprises, économie sociale de marché ou pas. Une force qui n'existe pas en Allemagne, ou bien alors réduite à quelques petits groupes au sein du SPD ou même du parti la Gauche. Les organisations révolutionnaires allemande post 1968 sont plutôt d'origine maoistes.
Les acteurs de la révolution des années soixante-huit en Allemagne ont souvent rejoint le SPD, ou participé à la fondation du parti des verts.
Il est donc trompeur de comparer le développement de la gauche en Allemagne et les lendemains apparemment prometteurs du futur NPA de Besancenot.

Les politiques de ces deux forces d'ailleurs vis à vis du "principal parti de gauche", les sociaux démocrates, sont aux antipodes l'une de l'autre. Toute perspective d'alliance stratégique avec le PS, voire simplement d'alliance gouvernementale, ou même de force d'appoint d'une majorité de gauche dont le pilier serait le PS est absolument exclue pour la LCR et le futur NPA. C'est même ce qui fait l'un des critères de regroupement essentiel avec d'autres forces pour le courant que représente Besancenot. Toute illusion sur la possibilité d'une social démocratie défendant réellement les intérêts des ouvriers, des salariés est illusoire pour la LCR. La social démocratie n'est qu'un mandataire de la gestion de capital qui permet de faire avaler les pilules de l'austérité aux salariés. Le NPA a donc vocation à déblayer le terrain, à supplanter le parti socialiste pour reconstruire une vrai représentation des classes opprimées, qui renvoie la social démocratie à une phase dépassée du mouvement ouvrier. Une politique dont on trouve la critique dans l'Humanité. Ce n'est pas étonnant, le PCF en France est en effet le parti le plus proche de la Gauche allemande, pour des raisons historiques notamment. Le PDS à l'est de l'Allemagne, qui est avec le courant social-démocrate de Lafontaine à l'ouest, à l'origine du parti la Gauche, est issu du SED, l'ex parti communiste de l'ex RDA.

A l'inverse de la LCR/NPA, le courant d'Oskar Lafontaine est bien social démocrate, il s'est constitué à partir du SPD. Même si l'on trouve bien sûr dans le parti la Gauche, à l'ouest des courants d'extrême gauche, associatifs, contestataires, anti-globalisation. Mais pour l'essentiel la Gauche et le SPD sont en fait de la même chair, comme on dit ici. Klaus Ernst l'un des fondateurs de la Gauche à l'ouest de l'Allemagne et le bras droit de Lafontaine dans le projet de construction du parti la Gauche est un pilier du syndicat IG Metal en Bavières. Il a été membre du SPD pendant des dizaines d'années. Il est resté un social démocrate convaincu.

Lafontaine considère que le SPD a trahi son programme social démocrate, en adoptant une politique libérale pendant la période ou Schröder était chancelier, Steinmeier son bras droit et Müntefering le président du parti -c'est pourquoi il a claqué à l'époque la porte du gouvernement, dont il était ministre des finances. Mais le but de la Gauche n'est pas bien sûr d'éviter le SPD. Il est de construire une force qui le contraigne à évoluer, à revenir vers des positions traditionnelles de la social démocratie, contre le courant "schröderien". Lafontaine évoque cette perspective dans un récent interview au Frankfurter Rundschau.


La Gauche aspire en effet au retour au pouvoir dans les Länder ou à Berlin, dans le cadre d'une alliance avec le SPD, sur la base d'un programme social démocrate. Le SPD s'y refuse aujourd'hui sur le plan du gouvernement fédéral, il est prêt à nouer des alliances au niveau des Länder. La Gauche estime de son côté que le programme actuel du SPD ne lui permettrait pas actuellement de s'allier avec les sociaux démocrates. Mais c'est bien la perspective stratégique qui reste ouverte pour l'avenir. Lafontaine note lui même que la social démocratie allemande s'est déjà coupée en deux, dans l'entre deux guerre, pour les mêmes motifs qu'aujourd'hui, la participation à une guerre, et le programme social. Les deux partis de l'époque le SPD et l'USPD -ce qui serait la Gauche aujourd'hui- se sont rejoints ensuite. Rien à voir avec le PS et le NPA/LCR. Heiner Geissler, ex secrétaire général de la CDU, homme politique de référence en Allemagne et membre d'Attac aujourd'hui, prone même la fusion du SPD et du parti la gauche. Un défi intellectuel que la direction actuelle du SPD ne saura pas relever selon lui. Geissler rappelle que l'homme clé du SPD au lendemain de la guerre, avec Willy Brandt, Herbert Wehner, était membre du KP, le parti communiste allemand pendant la république de Weimar dans le Frankfurter Allgemeine,

On le voit, c'est souvent le cas d'ailleurs, les ressemblances à priori au sein du couple franco-allemand sont en fait lorsqu'on les analyse de près très éloignées.

Trackbacks

Aucun trackback.

Pour faire un tracback sur ce billet : http://www.michel-verrier.com/BerlinBlog/tb.php?id=65

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment.

Ajouter un commentaire

Si votre navigateur est compatible, vous pouvez vous aider de la barre d'outils placée au-dessus de la zone de saisie pour enrichir vos commentaires.

michel-verrier.com
prix franco-allemand du journalisme 2011, catégorie internet.

Spectacles, musiques, loisirs à Berlin

Tout ce qu'il faut savoir dans:

*Tip Berlin
*Zitty on line



Bloc Note


Histoires
en photos

Le pont Admiral, "Admiralbrücke", à Berlin Kreuzberg, le pied pour les piétons, les fleinards, la musique, les rencontres

Une super 2 cv découverte à Hambourg -la DS 19 a aussi ses adeptes, et la Renault R4 fut également une voiture-culte en 68 face à la Coccinelle, raconte die Zeit

L'ours, symbole de Berlin, vu par les sculpteurs de la planète, exposition sur les trottoirs de la ville

Einstein, un ours du souvenir, "on ne peut pas faire la paix par la force mais par la négociation".

Campagne électorale à Berlin Kreuzberg,
décolleté de Vera Lengsfeld (CDU) avec Angela: "nous avons plus à vous offrir"

Cliché moins connu: Halina Wawziniak, "die Linke", réplique qu"elle a c'qu'il faut dans le pantalon pour siéger au Bundestag"

Médecins et étudiants en colère devant la porte de Brandenbourg

Vestige du mur le long de l'exposition "Topographie des Terrors"

Le baiser "fraternel" Honnecker-Brejnev de Dimitri Vrubel re-peint sur les restes du mur de berlin

Bateau(petit) à Hambourg

Potsdam, "sans-souci", le palais du jardin de Frederic le grand ou Voltaire pris pension.

Le parc du château

L'homme sur l'eau (statue), Hambourg

Un "Beluga" avale un fuselage Airbus à Hambourg, pour l'emmener à Toulouse.

Manifestants anti-nucléaire sur les chars russes du monument du souvenir. Berlin 2009

Sortie du quart d'après midi, Volkswagen Wolfsburg.

Carrelage

Jardin à Remlingen, à deux pas du site de stockage des déchets nucléaires d'Asse II

Gendarmermarktplatz, Berlin, la plus belle place

Mur reconstitué et (fausses) croix pour ses victimes, checkpoint charlie






Par Michel Verrier journaliste à Berlin
en savoir plus

Les bons billets
à lire:

Berlin-Prenzlauer-Berg 2010, un premier mai anti-nazi (en photos) hué par les habitants du quartier,
le défilé des néos-nazis n'a pas pu finir son parcours
.


der, die, das, la journal, le voiture, la soleil et le lune.
Petites réflexions sur les traductions impossibles



Existe-t-il un racisme anti-allemand dans les collèges ou les jeunes immigrés sont la majorité?
Un "choc des cultures" contesté.



Hambourg, l'éclairant échec d'une réforme scolaire. La majorité des parents cautionne la "sélection précoce" des écoliers


L'Euro, comment Merkel est prise entre deux feux.
Les orthodoxes lui reprochent ses compromis à Bruxelles, les européens convaincus ses diktats


Lidl, salaire minimum et société à deux vitesses.
Précarité, dumping salarial, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne.


Stuttgart en révolte contre la "gare du 21 ème siècle".
Une mobilisation qui a coûté à la CDU un Land qu'elle gouvernait depuis 58 ans.


Les morts de Duisbourg ont tué la "Love Parade".
Née à Berlin avec la chute du mur elle avait redonné à l'Allemagne l'image de la jeunesse


Oskar Lafontaine, politique et religion en Allemagne.
Les super-marchés ne peuvent pas remplacer les églises.


L'Allemagne n'attire plus les immigrés.
Des jeunes turcs nés en Allemagne retournent "au pays".


Thilo Sarrazin est-il un imposteur?
Une équipe d'universitaires démonte son usage des statistiques



"L'Allemagne se liquide elle même", selon Thilo Sarrazin, record des ventes en librairie
Le livre-choc critique le poids de l'immigration



La CDU n'aura pas gouverné la Rhénanie du nord plus de cinq ans.
Elle l'avait conquise en 2005 au SPD



Le bombardement de Kunduz par la Bundeswehr en Afghanistan, poursuit le gouvernement.
Propositions d'indemnisation des victimes


Berlin les ours, les oursons, les sangliers, les Guerilla gardener.
Et les lapins dans les coins verts


Les infiltrations minent le site de stockage nucléaire d'Asse.
La mine de sel modèle est un désastre.


Les juges favorables à la notation des prof's par les élèves.
En défense du droit à la liberté d'expression



BMW et la Bavières espèrent sortir renforcés de la crise.
Après une année de creux dans les commandes.


Berlin ,les cafés fumeurs contre l'interdiction de fumer.
Comment tourner la loi anti-tabac!


Winnenden, rien ne sera plus comme avant.
Tim K. a tué neuf élèves, 3 professeurs, dans son collège


Porsche, VW, bras de fer familial.
VW rachète Porsche qui voulait acheter VW.


Les déserteurs du III Reich réhabilités.
Il a fallu 65 ans pour briser le tabou


Margot Käßman, présidente de l'église protestante.
Une femme pour la première fois à la tête de l'église réformée


L'Élysée se prend les pieds dans l'hymne allemand.
Et le confond avec le "Deutschland über alles" des nazis


retraite paisible à Stuttgart pour Martin Sandberger, criminel nazi.
Condamné à mort à Nüremberg, ses relations familiales faciliteront sa libération


Anne Frank retrouve sa famille.
Un livre écrit par son cousin Buddy Elias fait revivre sa jeunesse au milieu des siens


La politique familiale ne décolle pas.
Peut-elle donner l'envie de faire des enfants?