Hambourg, les partisans de la sélection précoce mettent la réforme scolaire de la coalition CDU-Verts en échec

Ce n'est pas le triathlon coloré, rassemblant sportifs et spectateurs dans les rues de la ville-hanséatique, au milieu des canaux, et sur les rives de l'Elbe, qui attirait les projecteurs de toutes les chaînes allemandes sur Hambourg ce week-end, mais le référendum d'initiative populaire qui devait mettre fin à la guerre scolaire qui fait rage depuis des mois dans la ville-état, pour ou contre la création de "l'école primaire". La démission du ministre président de la ville-état, le démocrate chrétien Ole von Beust, en fin d'après midi, ajouta sa touche dramatique à ce dimanche particulier, avant même que le résultat du scrutin ne consacre le succès des adversaires de la réforme.

"ta voix pour mon avenir", affiche des Verts pour la réforme.

Au « Bürgerschaft », le parlement de la ville-état, la réforme pour la création de l'école primaire, un établissement scolarisant tous les enfants de la première à la sixième classe, de 6 à 11 ans est pourtant soutenue à l'unanimité par tous les partis politiques présents, de la démocratie chrétienne au parti die Linke en passant par le SPD et les Verts. Une fois n'est pas coutume.
« L'école primaire est indispensable à Hamburg, estime Christa Goetsch, écologiste, brune aux cheveux bouclés, ministre de l'éducation du Land, ex-enseignante. Afin que chaque enfant ait les meilleurs chances de succès possibles à l'école, quelles que soient les capacités de ses parents pour l'aider à la maison. Ce n'est pas l'origine sociale qui doit être la clé du succès scolaire. »
Mais les adversaires de ce projet, les parents d'élèves rassemblés autour du mouvement « Wir wollen lernen » « nous voulons apprendre » sont parvenus, en surprenant tout le monde, à rassembler plus de 180000 signataires pour l'organisation d'un référendum d'initiative populaire contre la réforme, prenant de front le gouvernement et l'opposition du Land.
Hostiles au prolongement de deux ans de la scolarité élémentaire pour tous, jusqu'en sixième classe, ils veulent maintenir sa limite à quatre ans, au sein de la « Grundschule », l'école élémentaire classique en Allemagne.
Seuls Berlin et le Brandenbourg font exception à cette règle. Prudents cependant, afin de ne pas heurter les parents qui veulent absolument que leur enfant poursuivent ses études au lycée qui le conduira jusqu'au bac dés la cinquième classe -l'équivalent du CM2 en France-, Berlin et le Brandenbourg ont laissé ouverte la porte de la sélection précoce  des meilleurs, dés la quatrième classe, à l'âge de huit ou neuf ans.
Une sagesse qui aurait peut être évité sa guerre scolaire à Hambourg, si le gouvernement de la ville-état s'en était inspiré. Walter Scheuerl, avocat, père de deux enfants, et initiateur du mouvement « nous voulons apprendre est catégorique : « deux ans de plus ensemble dans la même classe ne feront que brider les capacités des meilleurs élèves, sans améliorer pour autant celles des plus faibles.» 
Par dérision, le mouvement des adversaires de la réforme de l'école primaire a été surnommé le « Gucci Protest » -du nom du couturier de luxe -, par leurs adversaires les plus farouches. « Nous sommes censés ne penser qu'à nos enfants et défendre nos privilèges », résume Nicola, partisane du mouvement « nous voulons apprendre ». Au contraire, assure-t-elle : « les centaines de millions d'euros que vont coûter les bâtiments nécessaires aux nouvelles écoles primaires par exemple, seraient bien plus utiles investis dans l'aide spécifique aux enfants en difficultés et dans la généralisation des écoles à plein temps », qui accueillent les élèves toute la journée au lieu de fermer leurs portes en début d'après midi.
« Il est impossible aux enfants de déployer toutes leurs capacités, ou de rattraper leur retard avant la quatrième classe -l'équivalent du CM 1-», réplique Hüseyin, avocat, turc d'origine, cité par le quotidien Tageszeitung, proche des Verts. Il connaît par coeur les dilemmes des enfants de la première communauté étrangère en Allemagne. "Faute de fréquenter la crèche, le jardin d'enfant, ils sont scolarisés à six ans, alors qu'ils parlent encore avant tout leur langue maternelle, le turc, appris dans l'entourage familial. »
« L'école primaire pendant six ans serait indispensable pour l'intégration des familles étrangères, immigrées, insiste Andrea, ving-cinq ans, habitante d'Hambourg-Altona, un des quartiers ou les maisons de hambourgeois aisés côtoient les immeubles ou se concentrent les familles de la communauté turque. »
En début d'après midi, Mesud, partisan de la réforme et qui tient son fils de quatre ans par la main, est déjà sceptique sur le résultat du vote. « Les contre seraient en tête. Les Verts ont fait des efforts pour mobiliser les familles les premières concernées. Mais ça ne change rien, souvent, « nous » n'avons pas le droit de vote ».
« Quatre ans d'école élémentaire c'est trop cours pour juger un jeune élève », Walter, père de deux enfants de huit et dix ans en est convaincu. Selon les résultats scolaires obtenus en quatrième classe, le futur parcours scolaire de l'enfant sera souvent inéluctable ensuite.  Les « très bon » iront au lycée, ou ils seront accueillis en 5 ème classe -équivalent du cm2- et prépareront le bac. Les moyens rejoindront la Realschule et dans leurs grandes majorité, et entreprendront à la fin de leurs études secondaires des études dans une école professionnelle. Les « moins bons » -ce qui peut désigner selon les Länder des élèves ayant plus de 12/20 de moyenne!-, finiront à la Hauptschule et chercheront ensuite, avec leur certificat de fin d'étude, s'ils l'obtiennent, une place d'apprenti.
Or selon nombre d'analystes cette orientations précoce est souvent erronée, dans une proportion qui peut atteindre 40% des élèves. Le système des trois établissements scolaires de niveaux différents reste pourtant la loi dans la majorité de l'Allemagne, répondant au vieux principe: « pour construire une automobile il faut un ingénieur pour la concevoir, un contre-maître pour l'assembler, et un ouvrier pour la réparer. A chaque établissement sa fonction. »
A Hambourg, le conflit scolaire n'aurait sans doute pas éclaté sans la constitution du gouvernement des démocrates chrétiens et des Verts, une première, qui dirige la ville depuis 2008, à l'initiative d'Ole von Beust, le « super-bourgmestre » de Hambourg, démocrate chrétien, libéral et favorable à la réforme scolaire. Von Beust raconte lui même avoir été "un défenseur intransigeant du système traditionnel des trois écoles" et de la sélection précoce lorsqu'il a rejoint la CDU. L'expérience et la réflexion l'amèneront à le remettre en cause, comme un modèle typique de la société industriel qui "ne correspond plus aux besoins de la formation des jeunes aujourd'hui".
Socialement c'est aussi un handicap souligne-t-il, mettant en garde contre la création de ghettos de jeunes sans avenir. Le système scolaire actuel est le dernier « Sonderweg » allemand, selon von Beust. Un mot dur qui renvoie aux parcours particuliers qui ont toujours isolé l'Allemagne.
Avec son accord donc, la réforme scolaire a pris son essor dés la prise de fonction du nouveau gouvernement hambourgeois. La ministre de l'éducation, Christa Goetsch supprimera d'abord les Hauptschule de Hambourg, fusionnées avec les Realschule. La ville hanséatique ne connaîtra plus à l'avenir que deux types d'établissements, les lycées et les « Stadtteilschule » « écoles de quartier », des « collèges uniques » qui permettront à leurs élèves d'accéder à tous les diplômes de fin d'étude accessibles jusqu'ici dans les Hauptschule et les Realschule, et de préparer le bac y compris. Les « écoliers » des « Stadtteilschule » pourront accéder avec un an d'étude de plus que dans les lycées à ce diplôme privilégié, « réservé » jusqu'ici aux élèves des lycées.
C'est « une réforme que nous ne contestons pas, au contraire, souligne Walter Scheuel, l'initiateur de « nous voulons apprendre ». Elle donne leurs chances à ceux qui développent leurs capacités scolaires moins rapidement que les élèves des lycées.
La victoire triomphale de son mouvement dimanche soir, amplifiée par la démission d'Ole von Beust, annoncée officiellement avant même que l'on connaisse les résultats du scrutin ne mettra donc pas hors jeu l'ensemble de la réforme scolaire hambourgoise. Elle annule « seulement » son pilier de base, la création de l'école primaire. Certaines « Grundschule » n'en feraient pas moins le pas, proposant aux parents qui le désirent de prolonger la scolarité commune des six classes, jusqu'à onze ans.
L'échec de dimanche risque cependant d'être un coup fatal pour le gouvernement démocrate chrétien et Vert hambourgeois. Il sera analysé dans tout l'Allemagne, de la Sarre qui veut prolonger d'un an la scolarité commune dans le primaire, à la Rhénanie du nord Westphalie ou le nouveau gouvernement du SPD et des Verts qui vient de se constituer envisage une réforme du même type.

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