Le livre de Sarrazin bouscule l'Allemagne et son image
Par Michel Verrier, lundi 6 septembre 2010 à 19:09 :: société :: permalien #180
Sarrazin défie maintenant le président de la République, Christian Wulff, qui devrait valider la décision de la Bundesbank de le licencier parce qu'il a par ses propos porté tord l' image de la banque fédérale. 45% des Allemands sont pour que Wulff signe, 41% contre ! Ce qui fait beaucoup!
Angela Merkel a pris acte des dégâts et tente d'y trouver une réponse: « nous devrions cesser de nous expliquer avec monsieur Sarrazin et nous préoccuper plutôt de la grande question qu'est l'intégration. » Mais le banquier en sursis a déjà brouillé les cartes du débat, et troublé l'image d'une Allemagne tolérante à l'égard des immigrés, qui avait fini par effacer les incendies de maison de famille turque à Solingen (1993), ou de foyer d'immigré à Rostock(1992).
Les commentateurs s'interrogent maintenant: Sarrazin pourrait-il devenir le catalysateur d'un nouveau parti radical, Ã droite de la CDUÂ ? 18% des Allemands lui donneraient leur voix, selon un sondage Emnid pour "Bild am Sonntag".
Pour l'instant le seul parti politique à profiter du succès du livre de Sarrazin est le NPD, parti néo-nazi, selon les dires de son chef, Udo Voigt! Le parti social-démocrate se retrouve lui pris en tenaille. La direction de l'instance dont Sarrazin est membre, à Berlin, a entamé une procédure d'exclusion contre lui en raison de ses idées contraires aux idéaux de la social-démocratie. Tandis qu'une pluie de courriels, de la base, expédiés au siège du parti l'appuie. « une situation compliquée », reconnaît Sigmar Gabriel président du SPD.
Sarrazin surfe en fait sur les sources de la xénophobie quotidienne. Qu'il s'agisse de l'agression contre le chauffeur de bus dans les quartiers difficiles, de la jeune femme d'origine turque, assassinée à Berlin par sa famille parce qu'elle vivait trop libre, ou des jeunes Allemands convertis au Djihad, préparant au Pakistan les attentats meurtriers qu'ils veulent commettre de retour dans leur pays. L'aggravation de la misère dans les faubourgs des grandes villes a tendu à son tour les relations « entre communautés ».
S'y ajoute l'échec scolaire et la « guerre des classes » selon le titre d'un film récent projeté par la seconde chaine, ZDF. Réalisé par une journaliste allemande d'origine turque dans la région de la Ruhr, il décrit ces écoles bas de gamme ou les jeunes turcs et arabes majoritaires veulent dicter leur loi « à la sale race » allemande .
Mais Sarrazin a su aussi s'entourer de cautions morales, dont Nekla Kelek, sociologue turque, féministe, ou Monika Maron, écrivain, dissidente de l'ex RDA. Kelek, anti-islamiste de choc, a présenté à ses côtés son livre à la presse avec de fortes louanges. Elle condamne cette passivité des populations musulmanes installées depuis des décennies en Allemagne sans s'y être intégrées, et cultivant toujours ces traditions archaïques, religieuses, familiales, qu'elle combat au nom d'une laïcité radicale.
Un discours conquérant, étranger à la xénophobie populaire et aux louanges de l'extrême-droite. Une combinaison qui explique cependant cette vague Sarrazin qui vient de chambouler l'Allemagne et son image.
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