Un nouveau président et un nouveau départ pour la communauté juive en Allemagne

Une page d'histoire se tourne. Dieter Graumann, 60 ans, entrepreneur, à Francfort et nouveau président du conseil central des juifs en Allemagne n'est pas un survivant de l'Holocauste. Successeur de Charlotte Knobloch, 78 ans, münichoise et rescapée de la Shoah comme ses six prédécesseurs, Graumann, est né près de Tel-aviv en 1950, l'année de fondation du conseil central des juifs en Allemagne. Le parcours du nouveau président élu le 28 novembre dernier présageait déjà celui de 90% de ceux qui constituent la communauté aujourd'hui et sont originaires des pays de l'ex bloc soviétique.
Ses parents, juifs polonais rescapés des pogroms, firent connaissance dans un camps de réfugié en Allemagne, avant d'immigrer en Israël, puis de revenir s'installer à Fancfort, fuyant la chaleur « insoutenable » du climat moyen-oriental qui tranchait avec celui de leur pays d'origine.
Dieter Graumann veut initier un nouveau départ, impulser un changement de mentalité dans la communauté. « Les juifs ne doivent plus être en permanence en train de se plaindre et de mettre le monde en garde. Il faut sortir du rôle de victimes. Persécutions, catastrophes et misères. Le souvenir de l'Holocauste est très important, il est en moi, mais nous devons montrer les côtés positifs du judaïsme. Il n'est pas gris et triste mais chaleureux et toujours tourné vers le merveilleux de la vie. »
Graumann est un rassembleur. A Francfort ou la communauté juive compte 7000 membres, l'imposante Westend-Synagoge est une maison pour tous. Sous la coupole orientale se côtoient les juifs orthodoxes du mouvement hassidique Chabat Lubawitsch fondé en Russie au début du 19è siècle, les « conservateurs », les juifs libéraux, comme Elisa Klapheck , rabin de Francfort, l'une des trois femmes rabins d'Allemagne.
Une coexistence rare. Mais Dieter Graumann interviendra avec succès en 2006 pour prévenir le départ de « l'union des juifs progressistes » du conseil central. L'inverse de cette « blague juive » que raconte Lena Goreliks, 29 ans, écrivain, à propos du « Robinson juif » qui avait construit deux synagogues sur son île déserte : « celle qu'il fréquentait et l'autre ou il ne serait entré à aucun prix. » Née à Léningrad en 1981, Goreliks est arrivée avec ses parents en 1991 en Allemagne. Elle a appris « sa religion », à l'école. Les immigrants originaires de l'ex bloc soviétique ne connaissaient rien du judaïsme à leur arrivée, selon elle.
« Ils sont porteurs d'une autre histoire, et n'ont pas vécu la Shoah comme les juifs ici » explique Maya Zehden porte parole de la communauté de Berlin et berlinoise de naissance. La communauté en Allemagne a été presque intégralement recomposée grâce à eux. 15000 juifs vivaient encore en République fédérale dans les années cinquante, 90% des 200000 juifs recensés aujourd'hui sont originaires des pays de l'ex bloc soviétique. La plupart sont arrivés dans le cadre de la loi « d'accueil humanitaire des réfugiées » en vigueur de 1991 à 2004. Ils durent tout apprendre, les traditions, les fêtes juives et la langue allemande en plus. Et c'est difficile pour les plus anciens.
Pour certains communautés, russes à 100%, les réunions sont autant une façon d'entretenir les racines que la religion.
Collé à la synagogue à la coupole dorée de l'Oranienburger straße de Berlin , le siège de la communauté juive est gardé depuis des années par des policiers, pistolet mitrailleur à la bretelle, comme tous les bâtiments de la communauté et les synagogues de la ville. Au départ il s'agissait de prévenir les menaces néos-nazies. S'y ajoutent aujourd'hui les craintes d'attentats terroristes islamistes visant la solidarité affichée du conseil central avec Israël. « Cela ne changera pas assène Dieter Graumann », à ce propos.
Lors de la guerre de Gaza  les mails d'insultes pleuvaient au siège de la communauté juive berlinoise qui appellera à manifester en solidarité avec Tel-aviv, ripostant aux manifestations pro-palestiniennes.
Cette protection affichée semble la « normalité » pour les habitués. Mais pour les jeunes elle n'est jamais « normale », et revendiquer son judaïsme dans ce décors ne va pas de soi. « La religion ne joue pas un rôle essentiel dans ma vie quotidienne, elle est une part de mon identité seulement, explique David, un jeune juif de Hambourg dont le grand père survécu au ghetto de Varsovie. Il fréquente rarement la synagogue avec ses amis, même s'ils sont attachés à fêter la Pessa'h, la Pâque juive, « une si belle tradition ».
Un élève du collège juif de Francfort résume quant à lui ainsi l'ambition d'une génération qui n'est pas « marquée » par l'Holocauste: « je veux être vu à l'avenir simplement comme un Allemand, d'une « autre » religion».

Ce billet reprend en partie un article publié dans "la Croix".

Trackbacks

Aucun trackback.

Pour faire un tracback sur ce billet : http://www.michel-verrier.com/BerlinBlog/tb.php?id=219

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment.

Ajouter un commentaire

Si votre navigateur est compatible, vous pouvez vous aider de la barre d'outils placée au-dessus de la zone de saisie pour enrichir vos commentaires.

michel-verrier.com
prix franco-allemand du journalisme 2011, catégorie internet.

Spectacles, musiques, loisirs à Berlin

Tout ce qu'il faut savoir dans:

*Tip Berlin
*Zitty on line



Bloc Note


Histoires
en photos

Le pont Admiral, "Admiralbrücke", à Berlin Kreuzberg, le pied pour les piétons, les fleinards, la musique, les rencontres

Une super 2 cv découverte à Hambourg -la DS 19 a aussi ses adeptes, et la Renault R4 fut également une voiture-culte en 68 face à la Coccinelle, raconte die Zeit

L'ours, symbole de Berlin, vu par les sculpteurs de la planète, exposition sur les trottoirs de la ville

Einstein, un ours du souvenir, "on ne peut pas faire la paix par la force mais par la négociation".

Campagne électorale à Berlin Kreuzberg,
décolleté de Vera Lengsfeld (CDU) avec Angela: "nous avons plus à vous offrir"

Cliché moins connu: Halina Wawziniak, "die Linke", réplique qu"elle a c'qu'il faut dans le pantalon pour siéger au Bundestag"

Médecins et étudiants en colère devant la porte de Brandenbourg

Vestige du mur le long de l'exposition "Topographie des Terrors"

Le baiser "fraternel" Honnecker-Brejnev de Dimitri Vrubel re-peint sur les restes du mur de berlin

Bateau(petit) à Hambourg

Potsdam, "sans-souci", le palais du jardin de Frederic le grand ou Voltaire pris pension.

Le parc du château

L'homme sur l'eau (statue), Hambourg

Un "Beluga" avale un fuselage Airbus à Hambourg, pour l'emmener à Toulouse.

Manifestants anti-nucléaire sur les chars russes du monument du souvenir. Berlin 2009

Sortie du quart d'après midi, Volkswagen Wolfsburg.

Carrelage

Jardin à Remlingen, à deux pas du site de stockage des déchets nucléaires d'Asse II

Gendarmermarktplatz, Berlin, la plus belle place

Mur reconstitué et (fausses) croix pour ses victimes, checkpoint charlie






Par Michel Verrier journaliste à Berlin
en savoir plus

Les bons billets
à lire:

Berlin-Prenzlauer-Berg 2010, un premier mai anti-nazi (en photos) hué par les habitants du quartier,
le défilé des néos-nazis n'a pas pu finir son parcours
.


der, die, das, la journal, le voiture, la soleil et le lune.
Petites réflexions sur les traductions impossibles



Existe-t-il un racisme anti-allemand dans les collèges ou les jeunes immigrés sont la majorité?
Un "choc des cultures" contesté.



Hambourg, l'éclairant échec d'une réforme scolaire. La majorité des parents cautionne la "sélection précoce" des écoliers


L'Euro, comment Merkel est prise entre deux feux.
Les orthodoxes lui reprochent ses compromis à Bruxelles, les européens convaincus ses diktats


Lidl, salaire minimum et société à deux vitesses.
Précarité, dumping salarial, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne.


Stuttgart en révolte contre la "gare du 21 ème siècle".
Une mobilisation qui a coûté à la CDU un Land qu'elle gouvernait depuis 58 ans.


Les morts de Duisbourg ont tué la "Love Parade".
Née à Berlin avec la chute du mur elle avait redonné à l'Allemagne l'image de la jeunesse


Oskar Lafontaine, politique et religion en Allemagne.
Les super-marchés ne peuvent pas remplacer les églises.


L'Allemagne n'attire plus les immigrés.
Des jeunes turcs nés en Allemagne retournent "au pays".


Thilo Sarrazin est-il un imposteur?
Une équipe d'universitaires démonte son usage des statistiques



"L'Allemagne se liquide elle même", selon Thilo Sarrazin, record des ventes en librairie
Le livre-choc critique le poids de l'immigration



La CDU n'aura pas gouverné la Rhénanie du nord plus de cinq ans.
Elle l'avait conquise en 2005 au SPD



Le bombardement de Kunduz par la Bundeswehr en Afghanistan, poursuit le gouvernement.
Propositions d'indemnisation des victimes


Berlin les ours, les oursons, les sangliers, les Guerilla gardener.
Et les lapins dans les coins verts


Les infiltrations minent le site de stockage nucléaire d'Asse.
La mine de sel modèle est un désastre.


Les juges favorables à la notation des prof's par les élèves.
En défense du droit à la liberté d'expression



BMW et la Bavières espèrent sortir renforcés de la crise.
Après une année de creux dans les commandes.


Berlin ,les cafés fumeurs contre l'interdiction de fumer.
Comment tourner la loi anti-tabac!


Winnenden, rien ne sera plus comme avant.
Tim K. a tué neuf élèves, 3 professeurs, dans son collège


Porsche, VW, bras de fer familial.
VW rachète Porsche qui voulait acheter VW.


Les déserteurs du III Reich réhabilités.
Il a fallu 65 ans pour briser le tabou


Margot Käßman, présidente de l'église protestante.
Une femme pour la première fois à la tête de l'église réformée


L'Élysée se prend les pieds dans l'hymne allemand.
Et le confond avec le "Deutschland über alles" des nazis


retraite paisible à Stuttgart pour Martin Sandberger, criminel nazi.
Condamné à mort à Nüremberg, ses relations familiales faciliteront sa libération


Anne Frank retrouve sa famille.
Un livre écrit par son cousin Buddy Elias fait revivre sa jeunesse au milieu des siens


La politique familiale ne décolle pas.
Peut-elle donner l'envie de faire des enfants?