Un nouveau président et un nouveau départ pour la communauté juive en Allemagne
Par Michel Verrier, dimanche 12 décembre 2010 à 19:27 :: société :: permalien #219
Dieter Graumann veut initier un nouveau départ, impulser un changement de mentalité dans la communauté. « Les juifs ne doivent plus être en permanence en train de se plaindre et de mettre le monde en garde. Il faut sortir du rôle de victimes. Persécutions, catastrophes et misères. Le souvenir de l'Holocauste est très important, il est en moi, mais nous devons montrer les côtés positifs du judaïsme. Il n'est pas gris et triste mais chaleureux et toujours tourné vers le merveilleux de la vie. »
Graumann est un rassembleur. A Francfort ou la communauté juive compte 7000 membres, l'imposante Westend-Synagoge est une maison pour tous. Sous la coupole orientale se côtoient les juifs orthodoxes du mouvement hassidique Chabat Lubawitsch fondé en Russie au début du 19è siècle, les « conservateurs », les juifs libéraux, comme Elisa Klapheck , rabin de Francfort, l'une des trois femmes rabins d'Allemagne.
Une coexistence rare. Mais Dieter Graumann interviendra avec succès en 2006 pour prévenir le départ de « l'union des juifs progressistes » du conseil central. L'inverse de cette « blague juive » que raconte Lena Goreliks, 29 ans, écrivain, à propos du « Robinson juif » qui avait construit deux synagogues sur son île déserte : « celle qu'il fréquentait et l'autre ou il ne serait entré à aucun prix. » Née à Léningrad en 1981, Goreliks est arrivée avec ses parents en 1991 en Allemagne. Elle a appris « sa religion », à l'école. Les immigrants originaires de l'ex bloc soviétique ne connaissaient rien du judaïsme à leur arrivée, selon elle.
« Ils sont porteurs d'une autre histoire, et n'ont pas vécu la Shoah comme les juifs ici » explique Maya Zehden porte parole de la communauté de Berlin et berlinoise de naissance. La communauté en Allemagne a été presque intégralement recomposée grâce à eux. 15000 juifs vivaient encore en République fédérale dans les années cinquante, 90% des 200000 juifs recensés aujourd'hui sont originaires des pays de l'ex bloc soviétique. La plupart sont arrivés dans le cadre de la loi « d'accueil humanitaire des réfugiées » en vigueur de 1991 à 2004. Ils durent tout apprendre, les traditions, les fêtes juives et la langue allemande en plus. Et c'est difficile pour les plus anciens.
Pour certains communautés, russes à 100%, les réunions sont autant une façon d'entretenir les racines que la religion.
Collé à la synagogue à la coupole dorée de l'Oranienburger straße de Berlin , le siège de la communauté juive est gardé depuis des années par des policiers, pistolet mitrailleur à la bretelle, comme tous les bâtiments de la communauté et les synagogues de la ville. Au départ il s'agissait de prévenir les menaces néos-nazies. S'y ajoutent aujourd'hui les craintes d'attentats terroristes islamistes visant la solidarité affichée du conseil central avec Israël. « Cela ne changera pas assène Dieter Graumann », à ce propos.
Lors de la guerre de Gaza  les mails d'insultes pleuvaient au siège de la communauté juive berlinoise qui appellera à manifester en solidarité avec Tel-aviv, ripostant aux manifestations pro-palestiniennes.
Cette protection affichée semble la « normalité » pour les habitués. Mais pour les jeunes elle n'est jamais « normale », et revendiquer son judaïsme dans ce décors ne va pas de soi. « La religion ne joue pas un rôle essentiel dans ma vie quotidienne, elle est une part de mon identité seulement, explique David, un jeune juif de Hambourg dont le grand père survécu au ghetto de Varsovie. Il fréquente rarement la synagogue avec ses amis, même s'ils sont attachés à fêter la Pessa'h, la Pâque juive, « une si belle tradition ».
Un élève du collège juif de Francfort résume quant à lui ainsi l'ambition d'une génération qui n'est pas « marquée » par l'Holocauste: « je veux être vu à l'avenir simplement comme un Allemand, d'une « autre » religion».
Ce billet reprend en partie un article publié dans "la Croix".
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