Le choc des cultures renforce-t-il un "racisme anti-allemand" dans les collèges ou les jeunes immigrés sont la majorité?

Au fil des années, les jeunes écoliers allemands "de souche" du collège d'Essen Karnap se sont sentis de plus en plus seuls. Les deux tiers des 146 élèves de cet établissement scolaire au coeur de la Ruhr, sont originaires de familles immigrées, turques ou arabes. Les jeunes allemands en entendent de toutes les couleurs, « nazis, » « racistes », « Allemands de merde », « traînée ». Les coups peuvent pleuvoir aussi.
Et si je me défends « une bande de vingt jeunes turcs m'attendent à la sortie », affirme Sébastian, 16 ans, qui se sent de plus « étranger » dans une école devenue un « champs de bataille de la guerre des cultures ».
Une « xénophobie anti-allemande » serait en train de gagner les collèges ou les jeunes originaires de l'immigration sont majoritaires. C'est la thèse que met en image le documentaire télévisé choc de la journaliste allemande-turque Güner Balci  tourné à Karnap: «  Lutte dans la classe, les écoliers allemands en minorité »( « Kampf im Klassenzimmer »), et diffusés sur les chaînes publique, ARD et ZDF.
Güner Balci est une critique virulente du ghetto des familles musulmanes, originaires de l'immigration, repliées sur leurs coutumes et imperméables à l'intégration. Mais « Contrairement à l'image qu'en donne ce film, proteste Roswitta Tschütter, directrice de l'établissement pendant 13 ans. Karnap n'était pas l'école de l'horreur. La coopération avec les mosquée, les associations sociales, la police et ses équipes « anti-violence », avaient peu à peu institué une coexistence « familière » entre les groupes d'élèves». Ce qui est effrayant, convient-elle tout de même, après un instant de réflexion, ce sont ces jeunes qui ne veulent pas s'intègrer à la société allemande dans leur tête et leur coeur. En dépit des efforts des pédagogues. »
Essen concentre ses écoles, le effectifs scolaires se réduisent. Karnap n'existe plus, le collège a fermé ses portes après le tournage du documentaire. Les collégiens ont été intégrés dans un autre établissement et tout serait rentré dans l'ordre.

Mais à Berlin, Andrea Posor et Christian Meyer, deux enseignants du collège Hector Petersen de Kreuzberg ont tiré aussi la sonnette d'alarme il y a quelques mois. Dans un texte publié par le syndicat des enseignants (GEW) dont ils sont membres de la commission « multi-culturelle », il écrivent: « La ségrégation scolaire, la concentration dans les écoles les plus défavorisés, renforce une forme de germano-phobie chez les jeunes originaires de l'immigration. » Une réaction spécifique aux milieux sociaux les plus désavantagés insistents-ils, rejetant toute explication « ethnique ou religieuse » à cette intolérance juvénile.
Leur point de vue a déclenché de « très vives » réactions au sein du personnel enseignant, reconnaît Rose-Marie Seggelke, présidente du GEW. Le syndicat ne veut aucunement « voiler ou ignorer le problème ». Mais il n'y a pas de « haine contre les Allemands », constatent d'autres enseignants des collèges de Kreuzberg, qui soulignent que l'insulte « canaque » est aussi courante dans les cours de récréation que « bouffeur de patates ». Pour confronter les opinions de ses membres, le syndicat a organisé un séminaire avec les équipes de la police berlinoise spécialistes de la lutte contre la violence et de la politique d'intégration. Une réunion "fermée à la presse » afin que les bouches s'ouvrent librement.

Kristina Schröder, ministre de la famille du gouvernement Merkel n'a pas hésité quant à elle à (CDU) fustiger une « xénophobie anti-allemande croissante chez certains jeunes musulmans » dont la violence s'enracinerait dans les traditions de l'Islam, et contre laquelle il faut réagir fermement.
A Berlin-Wedding, le collège d'enseignement général Herbert Hoover ou 90% des élèves sont originaires de familles étrangères arabes, libanaises, turques a reçu le prix de la « Fondation allemande » en 2006. Parents, élèves, enseignants se sont engagés à ce que l'Allemand soit la langue obligée, de la cour de l'école à la salle de classe. Invité par la CDU berlinois à donner son sentiment sur le documentaire « Kampf in Klassenzimmer », Thomas Schuman, 60 ans, directeur de l'établissement et professeur de religion, s'étonne que l'on ait donné un tel podium « à ces grands sots » qui insultent et maltraitent leurs camarades .
Il connaît bien le « mobbing scolaire ». « On ne doit pas le tolérer. Il faut fixer des limites strictes à ceux qui le pratiquent. Mais cela n'a rien à voir avec le fait qu'ils soient musulmans. Ces jeunes ne savent pas grand chose de leur religion. »
« Les confrontations entre jeunes turcs et jeunes allemands dans les quartiers chauds de Berlin sont une réalité, reconnaît Yasemin Tümis, responsable jeune de la TBB, la fédération turque de Berlin Brandenbourg. Mais on ne montre que ça parce que les médias en sont friands, au lieu de mettre en relief ce qui va bien. »
Pour 78 cas de « harcèlement » déclarés en 2009/2010 à la police berlinoise, 11 étaient attribués à des jeunes immigrés, constate l'hebdomadaire der Spiegel.

A Berlin-Neuköln, quartier populaire et phare du Berlin « multi-culturel  ou le Turc est la seconde langue officielle, le collège Rütli est devenu un modèle. 80% de ses élèves sont issus de familles immigrés, arabes ou turques. L'établissement s'est rendu « célèbre » dans toute l'Allemagne au printemps 2006. Dépassés par la violence des élèves, la rémission des familles, des professeurs demandaient sa fermeture dans une lettre ouverte adressée au ministre de l'éducation berlinois. Envahi par les médias, Rütli devint le symbole de la faillite de l'intégration en Allemagne.
Puis le collège retrouva le calme en quelques mois, sous l'impulsion d' Helmut Hochschild, 49 ans, directeur du collège « modèle » Paul-Löbe à Berlin-Reinickendorf, ou sont scolarisés nombre de jeunes immigrés de la seconde génération. Il commença par rassembler les enseignants attachés à l'école, les professeurs volontaires pour enseigner dans le quartier. Nombre de prof's qui avaient baissé les bras étaient originaires de Berlin-est. "Contraints d'enseigner à Neuköln, tout en n'ayant eu aucune expérience des jeunes issus de l'immigration turque et arabe, ils étaient comme des étrangers au quartier, souligne Heinz Buschkowsky, maire social démocrate de Berklin-Neuköln."
Appuyé par quatre psycho-pédagogues, Hochschild a retissé les liens de l'établissement avec son environnement, les parents d'élèves, les entrepreneurs, les associations sociales, les artistes même. En même temps les collégiens produisirent leur premier spectacle musical pour « tourner la page» et renouer avec les règles du « travailler ensemble ».
Aujourd'hui, en dehors des cours obligatoires, ils peuvent suivre la leçon de boxe de la police, le cycle de formation « anti-violence », fréquenter l'atelier théâtre ou bien l'orchestre du collège formé sous tutelle de la philharmonie. Autant d'activités qui n'existaient pas avant. « Nos élèves avec un violon sous le menton, personne n'aurait imaginé ça, remarque Cordula Heckmann la nouvelle directrice ».
"Les activités artistiques renforcent l'assurance, la conscience de soi, l'autonomie, la créativité, explique explique Ulrike Baade, professeur d'art à l'école. Tout ce dont ces jeunes gens ont besoin pour trouver leur place dans la société dans le cadre de leur environnement culturel". S'inspirant des petites « firmes scolaires » que gèrent eux même les élèves de Paul-Löbe à Wedding, ceux de Rütli ont fondé leur atelier de confection et lancé la « ligne Rutli », créant les « nippes » qui font leur fierté. « On nous permet de montrer ce que nous sommes capables de faire, résument deux collégiens».
35 élèves de la 10 ème classe sur 120 ont obtenu l'an dernier le feu vert « la recommandation pour le lycée » et pourront préparer l'Abitur, le baccalauréat dont l'école délivrera le diplôme à partir de 2014.
Parrainé par Christina Rau, épouse de l'ex président de la république Johanes Rau, le projet « Campus Rutli », rassemble aujourd'hui trois établissements scolaires, deux jardins d'enfants, des ateliers de loisirs, une école de musique, et devrait encore s'étendre dans les années à venir.
De quoi faire rêver évidemment les anciens d'Essen-Karnap, ou les collèges voisins de Neuköln qui ne bénéficient ni d'une telle attention des autorités publiques, ni d'autant de crédits.

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