Berlin Blog

L'équipage n'en fêtait pas moins le carnaval deux jours plus tard, tandis que les « cadets » refusaient de poursuivre leur formation dans ces conditions. Norbert Schatz, le capitaine du vaisseau, suspendu vendredi dernier, avait renvoyé alors les mutins en Allemagne, ou les bouches ont commencé à s'ouvrir .
Les cadets sanctionnés ont décrit à l « avocat des soldats », le « chargé de la Bundeswehr » au parlement, Helmut Königshaus (FDP), la vie qu'ils avaient endurée à bord. Menaces de mort, vexations, exercices jusqu'à l'épuisement seraient coutumiers selon eux.
Sarah Leena Seele en était ainsi à sa septième ascension de suite des haubans du mat principal lorsqu'elle a perdu prise. Un exercice qui s'accomplit sans « sécurité aucune », souligne sa mère, Angelika Seele. Normalement seuls les volontaires y participent. Mais « si vous ne montez pas tout la haut on vous renvoie demain chez vous leur assène l'encadrement ». Impossible de devenir officier « sans y passer » ! La famille de Sarah a porté plainte pour homicide involontaire contre la République fédérale.
Son drame a ravivé les questions que se pose la famille de Jenny Böken, cadette de 18 ans, passée par dessus bord en septembre 2008 peu avant minuit et la relève de la garde. On retrouvera son cadavre onze jours plus tard en mer du nord. A la lumière des témoignages des mutins, Uwe Böken ne croit plus à l'accident, cause officielle de la mort de sa fille. Ils évoquent en effet aussi les contraintes sexuelles, les violences aux douches, qu'imposeraient les hommes d'équipage aux aspirants. Les faiblesses de l'encadrement sur le plan de la formation ou de l'esprit de commandement le jour, iraient de pair avec les excès d'alcool le soir. Or Jenny avait envoyé à sa famille deux jours avant sa mort un mail demandant à voir un gynécologe en urgence. « Avait elle été violée », s'interroge son père qui demande aujourd'hui au parquet de relancer l'enquête.
Par dérision le « Gorch Fock » a été rebaptisée « le plus gros bordel flottant », par la presse populaire. Un scandale de plus à gérer pour le ministre de la défense, le démocrate chrétien Karl Theodor zu Guttenberg. Il s'ajoute aux derniers dossiers de la plaie afghane, la mort d'un soldat, abattu par une balle provenant du pistolet d'un compagnon de chambrée, l'ouverture et le détournement systématique du courrier des soldats. Alors que la commission d'enquête parlementaire sur le bombardement de Kunduz, qui fit 137 victimes civiles en septembre 2009, poursuit ses travaux.
Ce cortège de scandales trouble l'image de la Bundeswehr dans l'opinion publique et entame sa réputation d'armée fondée sur le principe de l'autorité intérieure (« innere Führung ») qui doit permettre de réduire les conflits et de renforcer la confiance au sein des troupes, en laissant aux soldats leurs droits de « citoyens en uniforme ». Ceci précisemment au moment ou la Bundeswehr cesse d'être une armée de conscription pour devenir une armée de métier !
Zu Guttenberg, véritable pop-star de la politique allemand a du répondre pendant des heures aux questions qui lui ont été posées au Bundestag.