Arte, du côté de l'Allemagne
Par Michel Verrier, jeudi 10 mars 2011 à 08:50 :: société :: permalien #220
L'audience d'Arte en Allemagne paraît néanmoins faible aujourd'hui: 0,9% environ de 19h à 3h du matin. Soit moins de la moitié du quota de la chaîne en France - 2,5% en 2009. Les Allemands éprouveraient-ils un certain désintérêt pour la chaîne culturelle franco-allemand?
Parmi les quarante concurrents qui plus est, Arte du faire face d'emblée à « 3 Sat », la chaine culturelle de langue allemande diffusant en Allemagne, en Autriche, en Suisse, qui existait déjà depuis cinq ans, et rassemblait un quota de 1% de télespectateurs. Une chaîne « comme TV5 en France, qui serait orientée sur le culturel » en quelque sorte,note Emmanuel Suard, directeur adjoint des programmes d'Arte.
Une concurrente? « Non, 3Sat  est centrée sur la culture allemande, avec l'importance de la musique, de la litterature, la littérature orale notamment. Et je vois mal cela transposé sur Arte, précise Gottfried Langenstein qui est également le président de la chaîne culturelle allemande.
Arte occupe une place à part. Elle « lie l'Allemagne et sa connaissance de l'est à la France et sa relation avec la Méditerrannée, l'Afrique ». La chaîne est devenue la plate forme des créateurs européens, de la Roumanie à l'Espagne et génère de tout autres projets que 3 Sat, qui n'en aurait pas les moyens. Et puis les deux chaînes collaborent. Elles ont réalisé ensemble le Faust de Goethe par exemple, un film historique. »
C'est un choix que ne connaît pas le téléspectateur français.
Suzanne, 23 ans,étudiante à Berlin, regarde les deux chaînes, mais « penche plutôt pour 3 Sat » Elle y trouve plus de musique, de reportages qui correspondent à ses envies que sur Arte. »
Faire son trou a donc été d'autant plus difficile pour Arte Allemagne. De 1998 à 1999 la chaine affichait un quota minime de téléspectateurs de 0,4% -contre 3% en France. Elle avait en Allemagne l'image de la « rose de Jericho » du paysage télévisuel, selon l'hebdomadaire « die Zeit ». Avec « son profil intellectuel plutôt froid, ses programmes mélangés et souvent exotiques, sa construction bi-nationale qui en faisait dés le départ une anti-télévision s'adressant à ceux qui regardent peu le petit écran. »
« Je ne comprenais pas pourquoi l'image était si négative. Il y avait certes toujours des programmes qui me barbaient, mais la chaîne offrait une telle quantité d'informations, d'émissions de première classe, que j'apprenais toujours quelque chose, chaque semaine, remarque Stephan, quarante ans, cadre, et accro des premières années. »
Au fil des années la concurrence n'a cessé de se renforcer. Phoenix, une chaine centrée sur l'information, le reportage, le documentaire, l'histoire a vu le jour en 1997 et recueille O,6% d'audience. En Bavières, la chaîne culturelle BR-alpha, qui mêle l'information et la culture, à l'attachement au Land et à son autonomie culturelle, rivalise avec Arte. Une autre particularité allemande que ne connaît pas Arte-France.
La chaine franco-allemande en Allemagne n'en a pas moins plus que doublé son auditoire depuis sa création, atteignant aujourd'hui son objectif fixé , 1% d'audience environ en prime-time -Arte en France a enregistré par contre un recul de 3,5% à 2,5 environ, au lendemain de la multiplication des chaînes numériques.
Ayant conquis sa place, la chaine Franco-Allemande se tourne aujourd'hui vers les jeunes, avec son portail internet et un accord de diffusion avec You Tube qui doit lui permettre de fidéliser un public au delà de l'écran télé.
« Arte est la seule chaîne que je regarde sur mon ordinateur, explique Michael, étudiant en histoire de l'art, 25 ans . Je n'ais pas de télé. Alice, assistante sociale, 25 ans, « surfe » aussi sur le portail d'Arte pour s'informer, « parce je peux y apprendre quelque chose de sérieux ».
« Les mercredis de l'histoire » sont l'une des émissions les plus appréciées par les Allemands. La seconde guerre mondiale fait toujours des pics d'audience, évidemment. « La chute », le film relatant les derniers jours d' Hitler dans son bunker, a été un succès record identique en France et en Allemagne.
« On s'intéresse plus en Allemagne à l'histoire de la Russie qu'à l'histoire de l'Algérie, qui passionne toujours les Français. A l'inverse une émission sur l'Afrique du sud sera plus regardée en Allemagne qu'en France, remarque Emmanuel Suard ». Les émissions de musique classique, les grands concerts sont privilégiés en Allemagne. Les films ont aussi la vedette. Les « trois jours du Condor », un pic d'audience, ont rassemblé autant de téléspectateurs en France qu'en Allemagne. Mais « un rève japonais », réalisation allemande, a conquis 1,5 millions de téléspectateurs en Allemagne, contre 500000 seulement en France.
A l'inverse « le goût des autres », réalisation française a réalisé à peu près les chiffres d'audience inversés. La comédie musicale la culture américaine des années cinquante soixante marche mieux du côté allemand. Doris Day y fait toujours un succès. C'est un flop en France.
Arte est le miroir des ressemblances et des différences des deux pays. Re-créerait-on la chaîne en Allemagne si elle n'avait pas vu le jour à l'époque du couple Mitterrand-Kohl ? « Je crois que oui, répond Gottfried Langenstein. En particulier parce que la coopération franco-allemande est très créative, innovante, il nous faut apprendre à connaître la culture de l'autre. Une démarche impossible dans une structure proprement « nationale ». Arte est « l'atelier de l'avenir pour les créateurs en Europe. »
*Située à Baden-Baden, liée aux deux chaînes publiques allemandes ARD et ZDF, Arte Deutschland contribue à parité avec Arte-France au programme de la chaîne franco allemande. ARD fédère les dix chaînes de télévision autonomes des Länder. En ce domaine comme dans tout autre la structure fédérative de l'Allemagne s'oppose à celle de la France. Il n'existe pas un ministre de la culture, mais seize -un par Länder. Chacune des chaînes participe à la réalisation des programme fournis par Arte Allemagne. ZDF assure de son côté en plus de ses programmes, en lien avec d'autres chaînes, la diffusion de 3sat, Arte, Phoenix, ZDF info et ZDF théâtre. Gottfried Langenstein, l'actuel président allemand d'Arte, originaire de Münich, à fait une partie de ses études à Paris. Responsable du secteur international de ZDF il a été nommé directeur des programmes satellites de ZDF, dont Arte et 3sat, en 2000. Nommé vice-président d'Arte en 2003, il a pris la présidence de la chaîne en 2007, en alternance avec le Français Jérome Clément.
Ce billet reprend en partie un article publié dans La Croix.
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