"grande nation", "nain politique" et couple bancal |

Face à la guerre en Lybie, le couple franco-allemand est des plus bancal. La France -déjà présente militairement en Côte d’Ivoire-, est à l'initiative des frappes contre les troupes de Tripoli. L’Allemagne au contraire -déjà engagée en Afghanistan- s'abstient de toute intervention afin de ne pas courir le risque de se retrouver entraînée dans une nouvelle guerre. La France semble à nouveau se prendre pour cette «grande nation» que l’on moque souvent à Berlin. L’Allemagne, au mieux de sa forme économique, paraît être redevenue ce «nain politique» comme on l'étiquetait à Paris avant la réunification.
La «grande nation» est une pique souvent employée par les éditorialistes en Allemagne. Elle peut être utilisée à propos, mais dénote aussi la difficulté pour les Allemands de comprendre leur voisin. Déchue de son statut de puissance colonial, ramenée au stade de moyenne puissance politique et économique, sans avenir en dehors de l’Europe, la France devrait, leur semble-t-il, admettre qu’elle doit ramener ses ambitions et ses proclamations à la hauteur de ses moyens. Paris n'hésite pas au contraire à s'ériger en donneur de leçon. Un trait hérité de la révolution française qui peut être salutaire, et impossible à partager en Allemagne. La France semble alors se lancer dans des aventures dont elle sera incapable d’assurer l’issue à son profit. Berlin regarde le spectacle avec condescendance.
Mais ce qualificatif moqueur ne court pas trop les éditoriaux et commentaires aujourd'hui parce que l'Allemagne éditoriale et politique vit mal la position abstentionniste de Berlin face au colonel Kadhafi, qui lui a valu d'ailleurs les félicitations appuyées du dictateur en personne (voir ma revue de presse).
Berlin a fait une grosse erreur d’appréciation de départ sur la trajectoire de la révolution Lybienne, estimant qu’il ne fallait accorder aucun crédit aux déclarations va-t-en guerre de Paris, face au déchaînement de violence de Kadhafi contre son peuple.
On expliquait alors -dans les médias notamment- que Sarkozy se faisait à grand bruit le défenseur d'une intervention dont il savait pertinemment que le conseil de sécurité de l'ONU -et les USA d'Obama- ne voulaient pas. La Chine et de la Russie ayant finalement décidé de renoncer à leur droit de veto, l'Allemagne s'est finalement retrouvée au pied du mur, contrainte de se prononcer aux yeux de tous.
Les échéances électorales à venir, la crainte d'une nouvelle aventure militaire, les liens économiques importants qu'entretient l'Allemagne avec la Lybie -le groupe Basf' y exploite par exemple avec son partenaire russe Gazprom' des gisements de gaz- et la volonté du ministre des affaires étrangères , le libéral Guido Westerwelle, de camper un personnage pacifique totalement opposé à son adversaire de toujours, « l'interventionniste » Joschka Fischer ex-ministre des affaires étrangères Vert du gouvernement Schröder, ont finalement conduit Berlin à s'abstenir.
L'argument généralement admis en France selon lequel les traditions pacifiques de l'Allemagne issues de son histoire proche, seraient à l'origine de l'abstention ne tient pas. Elles étaient identiques pendant la guerre des Balkans. Ce qui n'empêcha pas le ministre des affaires étrangères de l'époque, Joschka Fischer justement, de faire appel en 1999 au passé de l'Allemagne pour justifier les bombardements de l'Otan au Kosovo -hors mandat de l'ONU- afin d'éviter un "nouvel Auschwitz".
Fischer qualifie aujourd'hui la politique étrangère allemande de « farce ». Et il est tout à fait probable qu'il aurait fait approuver l'intervention en Lybie pour sauver Benghazi s'il avait été en poste.
Hilary Clinton n'a pas manqué de souligner à Berlin pendant la réunion des ministres des affaires étrangères de l'Otan que: « le monde n'avait pas attendu qu'un deuxième Srebrenisca se déroule dans un lieu nommé Bengasi», pour intervenir. Une remarque soulignant l'absence allemande, qui a fait à nouveau mouche.
La politique de Westerwelle a placé Berlin apparemment dans une impasse, rompant l'alliance avec ses alliés traditionnels, les Usa, la France et la Grande Bretagne pour se retrouver aux côtés de Moscou et de Pékin.
Les trois pays ayant peu de chance de faire avancer de concert une solution politique au drame lybien, Berlin se retrouve pour l'instant sur la touche, proposant, pour se rattraper, de protéger militairement une éventuelle intervention humanitaire sur le terrain -après avoir retiré ses navires afin de ne pas participer à l'action militaire contre Tripoli au large de la Lybie!
L'Allemagne se retrouve-t-elle isolée pour autant, reléguée à son statut de « nain politique » d'autrefois alors qu'elle brigue une place permanente au conseil de sécurité de l'Onu ? Croire cela serait rééditer l'erreur de Paris quant à l'influence politique négligeable de l'Allemagne divisée, avant la réunification. L'Allemagne de Kohl possédait au contraire une influence politique de poids, du Moyen Orient à l'Amérique Latine, tout a fait sous-estimée en France.
La « grande nation » n'était guère clairvoyante sur ce point. La maestria avec laquelle Kohl imposa la réunification en fut un témoignage – à la surprise de Paris. Les relations de Berlin avec Israël, la Turquie ou l'Iran étaient dés cette époque plus étroites que celles de Paris avec ces trois pays par exemple. Elles le sont restées depuis.
La puissance économique de l'Allemagne lui donnait un poids politique hors du commun, même si l'expression de son influence diplomatique -histoire oblige- se devait d'être discrète. Aujourd'hui, Westerwelle fait remarquer à juste titre qu'il s'est abstenu « aussi » aux côtés de l'Inde et de Brésil. Pas seulement aux côtés de Moscou et Pékin.
L'Allemagne se retrouve de fait avec les principaux pays dit émergents face à l'alliance classique des trois puissances occidentales. C'est une position délicate, mais qui n'est pas sans avoir ses avantages.
Elle est par contre en totale contradiction avec celle de la France aujourd'hui, avec ses conséquences dans la démarche bancale du couple franco allemand.

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