Le commerce des armes divise l'Allemagne
Par Michel Verrier, vendredi 15 juillet 2011 à 11:28 :: General :: permalien #246
« C'est notre devoir de soutenir le mouvement démocratique en cours dans le monde arabe souligne Volcker Beck, secrétaire général du groupe parlementaire écologiste. Nous ne devons pas permettre que la police fédérale allemande puisse participer à sa répression de quelque façon que ce soit ».
Dans un rapport interne de la police que vient de révéler l'hebdomadaire « Stern », les policiers fédéraux se plaignent « d'être contraints d'entraîner les militaires à l'usage des armes ». Ils seraient traités sur place par les officiers saoudiens, « comme de simple sous-traitants » de l'entreprise d'armement franco-allemande EADS qui a modernisé la surveillance des 9000 kilomètres de frontières du royaume.
Un contrat de plusieurs milliards obtenu à condition que la « Bundespolizei » forme les soldats qui y sont affectés. L'accord paraphé en 2009 avec Riad aurait dû être ratifié par le parlement en raison de l'engagement des hommes de la police fédérale. Ce qui n'a pas été le cas.
D'ou le scandale. Même si au ministère de l'intérieur par contre, l'affaire semble inexplicable. On souligne que le contrat avec l'Arabie saoudite n'a jamais été tenu secret et fut annoncé à l'époque, communiqué de presse à l'appui, dans les médias. Que la révolution ait éclaté début 2011 en Tunisie puis en Égypte, la mobilisation populaire du printemps arabe touchant Bahrein et l'Arabie saoudite y compris, explique évidemment que ce qui passait en 2009 pour un marché « normal », banal ne passe plus aujourd'hui.
Le scandale renforce celui de la vente de 200 chars leopard 2 ultra-modernes à Riad, à propos desquels la chancelière a refusé de répondre aux questions et aux protestations de l'opposition au Bundestag. Un contrat d'armement qui pourrait contrevenir pourtant aux règles en vigueur en Allemagne pour les exportations dans les régions sous tensions. Même s'il aurait eu le feu vert d'Israël et des USA, dit-on, afin que l'Arabie saoudite renforce son arsenal face à l'Iran.
Mais au moment ou la guerre civile fait rage en Lybie et ou Berlin a refusé tout aide militaire aux insurgés qui combattent la dictature du colonnel Kadhafi, le marché ne manque pas de cynisme - voir à ce propos Arabie saoudite, deux cent Panzer' de trop. Des policiers allemands ont également entraîné les troupes d'élite lybiennes d'ailleurs ces dernières années, même s'il ne s'agissait pas comme en Arabie Saoudite d'un contrat en bonne et due forme avec le ministère de l'intérieur.
75% des Allemands s'affirment hostiles à la vente des 200 chars, selon un récent sondage. Et certains commentateurs s'étonnent de ce qu'Angela Merkel qui a su prendre le tournant de la sortie du nucléaire, provoque ainsi l'opinion de front sur la question du commerce des armes.
En voyage au Kenya, au Nigeria et en Angola cette semaine, Angela Merkel a proposé au contraire un contrat de coopération d'armement militaire à José Eduardo dos Santos au pouvoir depuis 1979 ! L'Allemagne, réputée pacifique, pourrait fournir des frégates de patrouille à l'un des états réputé les plus corrompus de la planète. Elles serviraient officiellement à la modernisation de la flotte et au renforcement de la lutte contre la piraterie, mais pourraient également sécuriser les gisements pétroliers off-shore, dont certains sont contestés par la république du Congo, voisine.
"Merkel voyage comme si elle patronnait le lobby de l'armement allemand, s'insurge Claudia Roth, présidente du parti Vert". Le commerce des armes avec l'Angola se serait renforcé depuis 2004 par la livraison de véhicules militaires, d'armes individuelles. Une entreprise de sécurité münichoise formerait les militaires angolais. La vente des frégates aurait été approuvée en 2009 dans le cadre de l'ex grande coalition qui rassemblait la démocratie-chrétienne et les sociaux-démocrates, comme l'accord avec Riad pour l'équipement des frontières du royaume et la formation des soldats.
Cet article reprend en partie un article publié aujourd'hui dans la Tribune de Genève.
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