Terroristes nazis, le procès de la faillite des autorités

Le tribunal de Münich ouvre ce matin le procès de Beate Zschäpe et des crimes racistes en série du trio de la NSU, -clandestinité nationale socialiste ». Menottes aux poings et entraves au pied, Zschäpe, 38 ans, comparait dans une salle trop étroite pour accueillir convenablement la presse, dans ce qui est pourtant déjà considéré comme le "procès du siècle". Visage buté, elle a choisi avec ses avocats de rester muette comme une tombe. Zschäpe était l'égérie du commando de la mort qui exécuta dix personnes de 2000 à 2007, huit commerçants d'origine turque, un grec et une policière allemande.
Ces crimes, « la honte » de l'Allemagne, selon Angela Merkel, confrontent la république fédérale à la dérive nazie d'une jeunessse désemparée dans l'ex-RDA, à la faillite de ses autorités policières et au ghetto dans lequel elles enfermèrent au contraire les familles des victimes soupçonnés d'être coupables.
Zschäpe et ses deux compagnons, Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt 34 et 38 ans, vécurent en toute impunité à partir de 1998 dans la clandestinité, à Zwickau, en Thuringe. Ils seront démasqués par hasard en novembre 2011, lors d'un hold-up raté. Coincés par la police, les deux Uwe, se liquidèrent d'une balle dans la tête. Beate Zschäpe fera sauter leur domicile avant de se rendre. Les enquêteurs découvriront dans les décombres le pistolet Ceska Typ 83, l'arme principale des dix exécutions perpétrées à Nüremberg, Münich, Rostock, Hambourg, Kassel et Dortmund.
Née en 1975 à Iena, Zchäpe qui n'a jamais connu son père, roumain d'origine, sera élevée par sa grand mère. Elle se lie à 16 ans avec Uwe Mundlos, déjà militant d'extrême droite, puis devient également l'amie d'Uwe Börnahrt, le meilleur ami de Mundlos. Elle les considérait comme « sa famille ».
Pasteur à Iena chargé de la jeunesse, et animateur depuis de la lutte contre les néos-nazis, Lothar König explique : « quand la RDA s'est effondrée le vide était énorme. Les jeunes n'avaient pas de références chez les adultes. La gauche « contestataire » était liée au régime. Les professeurs qui défendaient la RDA la veille de la chute du mur, plaidaient le lendemain pour le démocratie. Les parents avaient souvent perdu leur travail et ne savaient comment faire face. Sans orientation leur colère s'est retournée contre les plus faibles ».
Les deux Uwe et Beate rejoignent en 1994, le groupe néo-nazi local des « protecteurs de la patrie de Thuringe» (THS), étroitement surveillé par les services de renseignements de la Verfassungsschutz, alertés par de premiers attentats à la bombe, factices, à Iena en 1997. Mais les policiers laissent tranquillement s'éclipser Uwe Börhnahrt, qui assistait en 1998 à la perquisition du garage appartenant à Zchäpe ou les explosifs avaient été préparés et ou est entreposé 1,4 kilo de TNT ! Il prévient ses complices, le trio disparait. Lorsqu'ils seront inculpés, la police assurera avoir perdu leur trace. Cela durera treize ans !
Les quatre commissions d'enquête mises en place dans les Länder et au Bundestag en 2012 n'ont cessé de mettre à jour les bourdes et l'incompétence des autorités, les dossiers opportunément disparus, les renseignements non exploités, les silences peut être complices.
Ainsi Tino Brandt, le chef du THS, était un des principaux informateur -grassement rémunéré- de la « Verfassungsschutz » de Thuringe. Mais l'on s'interroge aujourd'hui : les indicateurs dans les milieux nazis renseignent-ils les autorités sur leurs camarades nazis, ou bien préviennent-ils au contraire ceux-ci des recherches des services de renseignements? Le trio avait ses contacts en Bavières ou il commis plus de la moitié de ses crimes. Les services de renseignements bavarois avaient été informés de sa disparition dans la clandestinité par les renseignements de Thuringe. Ils n'en tinrent aucun compte et la police dirigea essentiellement ses enquêtes contre les familles des victimes, leur entourage, et une soi-disant « mafia du Döner ». Allant jusqu'à contraindre des commerçants turcs à ne pas payer leur livraisons de Kebab, afin de démasquer celle-ci !
« Je ne pouvais imaginer une telle faillite dans toutes les dimensions des autorités sécuritaires », conclu Sebastian Edathy, président social démocrate de la commission d'enquête du Bundestag. Sebastian Scharmer, l'un des Avocats des familles des victimes attend du procès toute la vérité sur cette faillite sécuritaire, qui pourrait laisser supposer que le trio meurtrier aie même « été soutenu, directement ou non par des indicateurs des services de renseignements, voire certains fonctionnaires» insiste-t-il. La communauté turque en Allemagne, reste meurtrie par les assassinats en série.
Enver Şimşek, marchand de fleur, 38 ans, fut abattu de huit coups de feu, le 9 septembre 2000 au bord de la route ou il avait installé son stand, à Nuremberg. Süleyman Taşköprü, 31 ans, marchand de légume fut tué le 27 juin 2001 à Hamburg-Bahrenfeld de trois balles, dans la boutique de son père. Mehmet Turgut, 25 ans, en visite chez un ami à Rostock dont il tenait le café Kebab pour l'après midi, fut abattu le 25 février 2004 de trois tirs dans la tête. Et Ismail Yaşar, le 9 juin 2005 dans son café Kebab à Nüremberg, de cinq coups de feu à la tête et au cœur.
Ces meurtres en série et l'attentat à la bombe à clous de Cologne de juin 2004 qui fit 22 blessés ne laissaient aucun doutes aux familles des victimes et à la communauté turque: les coupables de ces attentats racistes venaient de l'extrême droite. Contrairement aux conclusions de la police.
Et pourtant explique Semiya Simsek, 26 ans, la fille d'Enver Simsek,: « pendant 11 ans je n'ai pas pu être simplement victime j'ai du aussi supporter les soupçons : Mon père faisait-il partie de la mafia turque, était il marchand de drogue, le meurtrier membre de ma famille » interrogeaient les policiers.
Et si Angela Merkel assurait vendredi dans un interview au quotidien turc Hürriyet que « l'Allemagne fera tout pour élucider les crimes en série du trio d'extrême droite, » Ankara reste sceptique. Bekir Bozdag, vice premier-ministre, estime que le tribunal de Münich a « déjà perdu toute crédibilité » en refusant en avril toute accréditation à la presse de son pays, les places réservées à la presse ayant été limitées à cinquante.
Manfred Götzl, président du tribunal s'est vu alors reprocher avec virulence en Allemagne, de ne rien avoir compris à l'enjeu du procès. Il a dû se plier au jugement de la cour constitutionnelle de Karlsruhe auquel le quotidien turc Sabah, avait fait appel en urgence, obtenant le report de la procédure.
Les juges suprêmes ont estimé en effet qu'un procès serein ne pourrait avoir lieu sans la présence minimum de médias des pays dont les familles des victimes sont originaires. Quatre accréditations ont donc été accordées à la presse turque, lors d'une deuxième procédure d'accréditation la semaine dernière.
Les familles des victimes qui avaient réservé depuis longtemps congés, voyages et hébergement à Münich ont fait les frais de ces cafouillages. La justice n'a pas rehaussé pour l'instant l'image des autorités et de la morgue auxquelles elles avaient été confrontées pendant une décennie.

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