mercredi 9 décembre 2009
Le bombardement de Kunduz poursuit le gouvernement allemand
Dans un fax adressé lundi à l'avocat des victimes, Karim Popal, le porte parole du ministère de la défense, Christian Dienst, lui propose d'entamer un processus d'indemnisation à l'amiable, pour éviter dix ans de tracas judiciaire. Le ministère de la défense précise cependant qu': « il ne s'agit en aucun cas de la reconnaissance d'une obligation, d'un droit». Un geste « positif » de toute façon, selon l'avocat qui estime cependant qu'il faudra garantir une vie décente aux blessés et aux familles de ceux qui ont été tués. « Il ne s'agit pas de leur donner 1000 ou 2000 euros ».
Le gouvernement Afghan aurait déjà versé 1000 à 2000 dollars aux familles des victimes, soit de quoi vivre environ pendant une dizaine de mois. dans un autre contexte, la Bundeswehr a par ailleurs dédommagé de son côté des familles de victimes de ses soldats, qui ne s'étaient pas arrêtées à temps aux contrôles. Une somme de 13500 euros a été versée pour le décès d'une mère et de ses deux enfants.
Mais ces dédommagements individuels ne sont pas assimilables à l'offre de dédommagement de plusieurs dizaines de victimes de bombardement.
Afghan d'origine, Karim Popal est arrivé en Allemagne en 1979. Établi à Brème, allemand aujourd'hui, il s'est rendu plusieurs fois sur place à Kunduz pour faire l'inventaire complet du drame.
Il y aurait eu, selon lui, 179 victimes civiles, dont 20 blessés, 22 disparus et 137 morts. 5 Talibans auraient été abattus. Les bilans officiels faisaient en général des Talibans les principales victimes du raid – le bilan de l'Otan envisage lui jusqu'à 142 morts. Selon les estimations de l'avocat de Brème 163 enfants seraient aujourd'hui orphelins, 91 femmes auraient perdu leur mari, et sont aujourd'hui dans une situation qui les laisse pour beaucoup sans ressources.
Après avoir constitué ses dossiers, l'avocat s'était adressé en novembre au ministère de la défense. La réponse s'est faite attendre, le passage de l'avocat sur la 1ére chaine de télévision Ard, les menaces de victimes de porter plainte devant la cour internationale de la Hague, l'ont probablement accélérée. L'affaire de Kunduz a par ailleurs fait ses premières victimes politiques à Berlin, après la publication par le quotidien Bild de documents restés dissimulés au ministère de la défense depuis le drame, qui infirment la version officielle du bombardement. voir mon billet à ce propos
Le chef d'état major de la Bundeswehr, le général Wolfgang Schneiderhan devait démissionner. Karl Josef Jung (CDU), ministre de la défense en poste au moment du bombardement, ministre du travail du gouvernement actuel, de même. Une commission d'enquête parlementaire a été constituée, qui risque d'impliquer jusqu'à la chancelière. Le ministre démocrate chrétien de la défense, Karl Theodor zu Guttenberg (CSU), a reconnu devant le Bundestag que le bombardement avait été une erreur contre-disant ses déclarations précédentes, tout en soutenant l'officier qui l'aurait ordonné, « pour protéger ses hommes ». Il est aujourd'hui la première cible des critiques que ses explications n'ont toujours pas convaincu.
Selon l'hebdomadaire Stern un rapport de la croix-rouge dont zu Guttenberg aurait eu connaissance dés le 6 novembre soulignait déjà que le bombardement de Kunduz n'avait pas respecté les conventions internationales, enfreignait les droits des peuples. Le ministre affirmait pourtant alors que le raid était justifié militairement.
L'officier Klein qui commanda le bombardement avec un de ses collègues sous le nom de code de « red baron » -pseudonyme d'un as de l'aviation allemande de la première guerre mondiale, « héros » d'un jeu d'ordinateur de combat aérien aujourd'hui - refusa à cinq reprises les « piqués d'intimidation » proposées par les aviateurs US pour faire fuir les civils. Il prétendra que les camions citernes constituaient un «danger immédiat » pour ses troupes et aurait réclamé l'usage de 6 projectiles pour les anéantir, les pilotes refuseront et utiliseront « seulement » deux bombes. Il affirmera ensuite avoir craint de voir les Talibans utiliser les camions dans un attentat suicide contre le camp de la Bundeswehr, à 6 kilomètres de là . Une hypothèse peu plausible.
Selon les témoignages que l'avocat Karim Popal a recueilli sur place, les villageois venus en masse se ravitailler en essence sur les camions citernes avaient évidemment vu les avions. Ceux-ci semblaient être simplement en reconnaissance. Ils ne pratiquèrent aucun tir d'avertissement, aucun piqué sur les cibles avant une heure du matin (les camions avaient été détournés vers vingt heures). Le gros des villageois avait donc conclu qu'ils avaient reconnus la présence quasi-exclusive de civils sur le terrain et s'étaient éloignés après leur ravitaillement. Avant que l'officier allemand ne déclenche le bombardement fatal.