mercredi 28 octobre 2009
Une femme à la tête de l'église protestante
Petite femme résistante au regard charismatique, Margot Käßmann, remplacera l'évêque de Berlin, Wolfgang Huber, une stature de la vie publique allemande, à la tête des 25 millions de protestants. Elle faisait hier la une de l'actualité au côté d'Angela Merkel, protestante elle aussi, réélue chancelière, au Bundestag. Une coïncidence qui souligne la place prise par les femmes dans la société allemande d'aujourd'hui. Au sein des églises, c'est l'un des sujets de confrontation, non des moindres, entre protestants et catholiques en Allemagne.
Le synode de l'église protestante, le parlement de l'EKD qui élit le conseil, la direction permanente de l'église protestante, avait déjà élu à sa tête en mai dernier Katrin Göring Eckardt, députée des Verts et vice présidente du Bundestag, le parlement allemand, depuis 2005. Un symbole d'ailleurs, vingt ans après la chute du mur. A l'époque toutes ces responsabilités étaient exercées par des hommes, la soixantaine et plus. Le synode de l'église protestante qui se tint en 1989 était d'ailleurs consacré à « la communauté des hommes et des femmes dans l'église » et visait à mettre en oeuvre des mesures concrètes permettant une meilleur participation des femmes à la vie de l'église.
En 2005 Margot Kässmann, avait eu des mots durs lors de l'élection de son concitoyen Joseph Ratzinger, le pape Benoît XVI: « ce n'est pas mon monde ». L'Eglise est «uniquement représentée par des hommes. Je suis heureuse que chez nous les hommes et les femmes soient pasteurs. » "Si Benoît XVI veut s'entretenir demain avec un représentant du protestantisme allemand, il n'aura plus la possibilité d'écarter Margot Käßmann de la liste comme ce fut fait avec finesse en 2005, lors des journées mondiales de la jeunesse catholique à Cologne, note le quotidien Frankfurter Rundschau."
Mère de quatre filles, divorcée, l'évêque de Hannovre avait été désignée "femme de l'année" en 2006, par le magazine de TV Funk Uhr, un an après Angela Merkel. Une popularité parfois encombrante, conquise en faisant face ouvertement aux épreuves de la vie quotidienne comme les autres femme. Qu'il s'agisse de l'opération d'un cancer du sein en 2006, ou de son divorce après 26 ans de mariage, en 2007. Une décision qui aurait pu empêcher son élection à la tête de l'église protestante. Mais Dieu éprouve parfois la résistance de ceux qui le représentent, estime Margot Käßmann soucieuse de cultiver la balance entre tradition et innovation.
Le jubilée de l'église réformée en 2017, auquel elle veut donner toute sa dimension oecuménique, ne sera pas ainsi un « culte de Luther » dont elle ne veut pas cacher les ombres, sa relation à l'égard des juifs à la fin de sa vie qui imprégna négativement l'église réformée. Son absence de solidarité à l'égard des paysans soulevés contre les princes -et emmenés par Thomas Münzer, un adepte radical de la réforme dont Friedrich Engels ferra un ancêtre des communistes.
L'évêque Robert Zollitsch, président de la conférence des évêques allemands, saluait hier l'élection de Margot Käßmann en l'invitant à travailler ensemble à l'avenir de l'oecuménisme. Une coopération que pourrait compliquer la présence d'une femme à la tête des protestants, estiment certains, à la veille du second Kirchentag (journée des églises) oecuménique en 2010 à Münich. Mais « au delà de toute différence et de nos profils particuliers, ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous sépare », estime Margot Käßmann . « Plus nous apparaissons ensemble, mieux nous sommes entendus ».
Petite note: la cérémonie au cours de laquelle Angela Merkel a re-pris sa fonction de chancelière, illustrait par nombre de détails les liens entre le religieux et le politique en Allemagne, inimaginables en France...Merkel, comme ses ministres, ont conclu chacun leur serment au Bundestag par la formule "so wahr mir Gott helfe" , en gros "avec l'aide de Dieu"...Wolfgang Huber, l'évêque de Berlin, et le prédécesseur de Margot Käßmann, était membre du SPD, avant de suspendre son adhésion, en raison de ses fonctions. Katrin Göring-Eckart, présidente du synode de l'église protestante, siégeait au Bundestag mercredi en tant que vice présidente du Bundestag, au nom des Verts....
Lire dans la revue de presse "la démission surprise de Margot Käßman".