Le jugement contesté de la cour constitutionnelle sur le stockage des données
mercredi 3 mars 2010 à 15:57 - permalien #566
Le tribunal aurait pu comme il sait le faire encadrer et limiter le stockage de données à des besoins particuliers, tout en donnant raison aux plaignants qui le mettent en cause. Mais il voulait avant tout une décision symbolique, qui marque les limites à l'avenir.
Le jugement satisfait cependant à la fois les besoins de la recherche des criminels et la protection de la vie privée.
Une nouvelle initiative de Bruxelles serait maintenant bienvenue. Les règlements nationaux seront inefficaces en ce qui concerne la protection des données. Les avantages du digital, l'effacement des frontières, l'accès, les échanges, facilités et limités appellent des règles inter-étatiques.
Le jugement de Karlsruhe est sévère mais il ne l'est pas encore assez. Il laisse la porte ouverte au stockage préventif à l'avenir, alors que les dangers décrits par la cour auraient dû conduire à l'interdire, estime de son côté le Süddeutsche Zeitung.
Les juges n'en ont pas eu l'audace, car cela les aurait conduit à une guerre juridique avec l'Union européenne. Karlsruhe préfère l'éviter.
Les droits fondamentaux n'ont pas une telle importance à Bruxelles, comparée à celle que leur accorde la cour constitutionnelle. Un conflit sera d'ailleurs inévitable à terme.
L'exploitation des données permet de savoir rapidement qui est membre d'un groupe contre l'atome, contre la guerre, pour l'énergie éolienne, ou d'un mouvement des producteurs de lait.
Qui est participant, organisateur, ou initiateur d'une manifestation néo-nazie ou anti-fasciste et quel rôle joue chacun.
Elle permet d'analyser les structures hiérarchiques des partis politiques, de savoir qui a rencontré quel journaliste, quand et ou, et quelles ont été les informations échangées.
Elle est un danger permanent pour la liberté d'opinion, de communication et de la presse, insiste la quotidien münichois.
Le stockage préventif des données n'est pas mort, renchérit le Frankfurter Allgemeine Zeitung. En dépit des vivas que le le jugement de Karlsruhe a déclenché chez les activistes du net, les protecteurs de données et les multiples plaignants -35000 personnes avaient déposé plainte.
Le noyau du jugement de la cour est resté dans l'ombre. Les principaux juges du pays ont estimé en effet que tous les citoyens peuvent être soupçonnés.
Le stockage des données téléphoniques et d'internet sans motifs précis n'est pas contraire à la constitution. La police, le procureur, et les services secrets dans certaines conditions peuvent avoir accès à ces données sensibles.
Les juges concèdent que les citoyens en retirent une "impression de menace diffuse", mais ils n'en tirent pas entièrement les conséquences. Ils revendiquent un renforcement de la sécurisation des données, des règles d'accès plus strictes, et la possibilité de se défendre pour les personnes "surveillées".
La ministre de la justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, libérale, devra maintenant déployer tous ses efforts pour éviter que ses alliés démocrates chrétiens n'édictent une nouvelle loi permettant le stockage préventif des données tout en tenant compte des recommandations de Karlsruhe, poursuit le quotidien de Frankfort. Si les libéraux, défenseurs des droits ne l'individu, n'y font pas barrage, cette nouvelle loi portera leur tampon.
Les réjouissances à l'annonce de l'inconstitutionnalité des données déjà stockées ont été de courte durée, commente le Tageszeitung. Après la lecture détaillée du jugement il ressort que la cour constitutionnelle n'interdit pas tout stockage préventif. Le principe de l'innocence à priori reste suspendu et tous les citoyens de la République fédérale sont généralement soupçonnables.
La prochaine étape se jouera au tribunal européen de Strasbourg. S'il estime le stockage préventif des données incompatible avec l'application de la convention européenne des droits de l'homme, aucun gouvernement fédéral ne pourra se permettre de faire un nouvelle loi qui va contre.
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