Football, la solitude du jeune arbitre face au harcellement sexuel
jeudi 4 mars 2010 à 19:18 - permalien #567
L'affaire a débuté par les confidences d'un jeune arbitre de 27 ans, Michael Kempter, au président des arbitres, Volker Roth.
Il accuse Manfred Amerell, 63 ans, personnage clé dans le milieu des arbitres pour leur affectation, de l'avoir soumis à divers reprises à des approches sexuelles. Les confidences ébruitées par le quotidien Frankfurter Rundschau le 10 février ont déclenché aussitôt un déballage public, avec ses noirceurs et ses abimes, "qui donnerait assez de matières pour un feuilleton criminel".
Celui-ci a exposé alors son drame et les pratiques d'Amerell en détail dans un interview au Bild Zeitung.
Lorsqu'on l'interroge sur son silence prolongé, il répond: "j'avais simplement peur pour ma carrière d'arbitre. Et j'avais honte. J'ai tenté de faire l'impasse, mais ça remontait toujours. Quand j'ai remarqué que d'autres étaient dans le même cas, je me suis décidé à parler. Je voulais protéger d'autres jeunes. "Est-ce que je peux t'appeler mon trésor" a dit Amerell par exemple à l'un d'entre eux.
Pour moi ça été le signal d'alarme".
Des douzaines de journalistes étaient attendus à Münich aujourd'hui, devant le tribunal ou Amerell était confronté au président de la fédération allemande de football, Theo Zwanziger, contre lequel il a porté plainte. Celui-ci a relayé en effet au nom de la fédération les accusations du jeune arbitre, renforcées par quatre témoignages, dont les jeunes auteurs tiennent à rester anonymes. Un ancien arbitre charge lui aussi maintenant l'influent Amerell et évoque un "système" en place depuis des années. Celui-ci demande la condamnation de la fédération pour les accusations proférées à son égard par son président.
"Qui ment, qui en profite, qui veut déconsidérer qui? Qui dit la vérité? Le scandale ébranle le football allemand, souligne le Berliner Zeitung." Zwanziger assure aujourd'hui vouloir briser le cartel du silence, faire toute les clarté et protéger les jeunes arbitres. Il jure de démissionner de son poste, si le tribunal le condamne.
Le cas Amerell/Kemper est d'autant plus sensible qu'il mêle abus sexuel et homosexualité. Un tabou dans le monde du football.
Les footballeurs homos vivent une pression énorme car ils sont obligés de se cacher, souligne une ancienne sportive professionnelle dans le Tagesspiegel. Tout se fait en façade. Des hôtesses sont louées pour les soirées de gala, "afin qu'un pro homo ne soit pas repéré". Ils doivent se surveiller en permanence sans craquer. Sinon leurs propres fans se moqueraient d'eux, leurs adversaires les invectiveraient, leurs manager se plaindraient de ne plus pouvoir les "vendre au sud de l'Europe", leur valeur sur le marché serait en chute libre. Kemper assure qu'il n'est pas homosexuel.
Le drame éclaire à nouveau ce monde du football dont le suicide du gardien de but de l'équipe nationale allemande, Robert Enke, dépressif, ( voir ma Revue de presse), avait déjà éclairé les abîmes. Il avait dû dissimuler sa dépression pendant sa vie de footballeur professionnel, craignant pour sa carrière, s'il brisait un tabou.
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