Angela "Miss Europa" est devenue "Frau nein"
vendredi 26 mars 2010 à 21:21 - permalien #584
L’addition à payer sera lourde, estime le quotidien économique. Ou trouver à l’avenir une majorité pour un président allemand de la Banque centrale européenne? La constitution indispensable d’un fonds monétaire européen est lui aussi renvoyé aux calendes grecques.
L’Euro-land a besoin de plus de transparences, de contrôle et d’une clause de sortie pour les fauteurs endurcis. Mais après la bataille grecque il y a très peu d’espoir pour une nouveau consensus. La possibilité d’expulsion des fauteurs endurcis de la zone euro revendiquée par Angela Merkel a été écartée par Nicolas Sarkozy et Gordon Brown, note le Handelsblatt. «Certains critiques reprochent à Merkel d'avoir mis en danger l'euro avec son attitude de fermeté. C'est le contraire qui est vrai estime par contre "Neue Presse" de Hannovre. Une aide aussitôt accordée à la Grèce aurait enclenché une réaction en chaine, encourageant les Espagnols, les Portugais, les Irlandais a laisser de côté leurs politiques d'assainissement budgétaire et à se reposer tranquillement sur le soutien de l'UE. Ce qui transformerait finalement le pacte de stabilité en farce et affaiblirait durablement l'euro sur le marché des changes."
Mais en même temps ils doivent prendre en compte l’affaiblissement du sentiment européen qui s’est manifesté à peu près depuis le déménagement du parlement de Bonn à Berlin, et qui se traduit concrètement par des déclarations comme: «les Grecs doivent s’aider eux même».
Angela Merkel triomphe, le groupe euro a approuvé le plan d’aide à la Grèce à ses conditions. Mais le prix à payer est élevé. «Miss Europa» est devenue "Frau Nein" «Madame non» pour ses partenaires européens, souligne Spiegel on line. La victoire de Merkel sur les sceptiques du FMI, la «fraction club Med" -la France, l’Espagne, l’Italie, la Grèce et le Portugal-, était prévisible depuis mardi.
Elle pouvait se repaître chez elle d’une gloire inattendue ces derniers jours: «l’Europe se casse les dents sur notre chancelière» se réjouissait le Bild Zeitung. Merkel était à l’avant poste dans le combat contre les Grecs en faillite.
Elle a joué la chancelière de fer pendant des semaines écartant même les questions sur la Grèce. Un sommet extraordinaire de l’euro-zone proposé par la France et l’Espagne? Elle ne voyait pas de quoi on voulait parler. Puis elle a formulé trois conditions quant elle s’aperçu finalement qu’elle ne passerait pas à côté du plan d’aide, parce que les spéculateurs faisaient chuter l’euro: la participation du FMI, l’aide en dernier recours «ultima ratio», et le renforcement des contraintes du pacte de stabilité. Ne donnant d’autres possibilités aux chefs de gouvernement que de se plier à son diktat.
Les collègues de Bruxelles ont découvert un nouveau côté de la chancelière. Elle avait déjà joué au pocker, mais était toujours prête au compromis. Elle présente la nouvelle fermeté allemande comme décisive pour le futur de l’euro. Mais l'attitude de Merkel tient aussi aux échéances électorales intérieures, aux élections du Land de Rhénanie du nord en mai. Toute la question est de savoir si Merkel a vraiment rendu un service à l’Allemagne avec sa démonstration de force. L’avenir le dira.
La Dame de fer était elle le bon exemple à suivre? Depuis Margaret Thatcher les premiers ministres britanniques font valoir le «rabat britannique» à Bruxelles - la réduction de la contribution de l'Angleterre obtenue par Thatcher, ndr- une revendication qui exaspére les Allemands justement.
La participation du FMI était la seule solution possible pour Angela Merkel. Toute autre solution aurait été contraire aux traités de l’ UE, selon elle note le Süddeutsche Zeitung. Il est interdit en effet aux états membres de renflouer financièrement les autres. Le «oui» de Paris marqua le tournant de la partie de pocker.
Merkel gagna le président français à ses idées quelques jours avant le sommet. Les premiers ministres suédois, autrichien, espagnol luxembourgeois se rallièrent. La tentative du premier ministre grec Giorgos Papandreou de remonter plusieurs partenaires contre le plan franco-allemand hier matin à Bruxelles était vouée à l’échec. La chancelière resta de marbre, elle donna le ton dans la partie de Pocker et fini par s’imposer. «Elle est très heureuse, résume-t-elle, car l’Europe a démontré sa capacité à négocier et à renforcer à la fois la stabilité de l’euro tout en portant secours à un pays en difficulté».
La chancelière allemand fait appel au FMI, quarante ans après la fin du système de Bretton-woods, l’affirmation de la volonté des européens de d’intégrer leur politique monétaire, et de constituer un contre-poids au dollar avec l’euro, souligne le Frankfurter Rundschau. Elle trahit ainsi l’idée européenne et le projet européen. Car elle ne fait rien d’autre que de faire appel aux USA qui détiennent depuis toujours le droit de véto avec leur participation de 17% dans l’institution monétaire internationale.
Quelle misère! Et quelle claque contre la commission européenne et la BCE. Comme s’ils étaient incapables de résoudre un problème en Grèce, une économie qui est en gros l’équivalent du land de Hesse.
Mais la trahison va encore plus loin. Il y avait jusqu’à présent une règle d’or en Europe. Chaque crise renforçait la communauté. Maintenant elle recule. La grande faute d’Angela Merkel est d’écouter ceux auxquels l’euro n’a jamais plus. Pourquoi la chancelière n’explique-t-elle pas aux gens l’histoire et le succès de l’euro? Parce qu’elle n’ose pas ou parce qu’elle ne les comprends pas?
Énormément de gens se réjouissent de ce que Merkel ait imposé sa politique à l’égard de la Grèce. Mais la chancelière met en cause l’héritage politique d’Helmut Kohl et la solidarité de l’Union européenne, s’inquiète de son côté le Financial Times Deutschland. Il y a bien des victoires qui tournent ensuite en débâcle.
Merkel a fait plusieurs erreurs. elle a laissé tomber l’un de ses principaux ministres, Wolfgang Schäuble, hostile à l’intervention du FMI. Elle a réussi à monter contre elle la commission européenne et la banque centrale. L’Allemagne depuis des mois dit non à tout, alors qu’elle pourrait prendre la tête de l’Union en raison de son poids économique. Merkel a laissé se développer un sentiment anti-grec, anti-européen.
On a longtemps estimé qu’elle était une héritière de Kohl sur le plan de l’Europe. Cela pourrait être une erreur. Lui savait faire face aux sentiments européens «populaire» et le prouva lors de l’introduction de l’euro. Merkel, en raison de sa biographie, pourrait s’appuyer sur le fait que la réunification doit beaucoup à l’Europe. Mais la conviction européenne qui brulait chez Kohl ne semble pas l’habiter.
L’Europe vit de compromis. Nombre de revendications allemandes ont l’air maintenant d’être des diktat. Cela pourrait réduire à terme l’influence allemande, sa capacité à jouer les médiateurs.
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