Amoklauf, les experts désarmés après la fusillade
jeudi 12 mars 2009 à 13:33 - permalien #314
Qu'est ce qui a pu a pu enclencher ce geste chez un jeune comme Tim K., 17 ans. Mauvais résultats scolaires, éducation ratée, manque d'amis, danger d'Internet, jeux d'ordinateurs violents et films d'horreur, isolement croissant, accès aux armes et aux munitions, ce sont là autant de facteurs ou presque qui avaient déjà été avancés en 2002, lors de la tragédie d'Erfurt. La loi sur les armes a été durcie depuis, les « dangers » des jeux d'ordinateurs violents (Counter Strike) soulignés. La prévention nécessaire pour éviter ce genre de drame, en repérant son auteur potentiel avant qu'il ne dérape et en lui portant secours, semblait être alors la mesure la plus urgente, mise au premier plan.
C'est peut être là que gît l'échec. Tim K. est passé au travers. Le drame d'Erfurt s'est répété , et se répétera peut être encore. Il serait donc peut être plus important de parler de la peur des jeunes de l'échec, de l'école, de la concurrence qui y règne, de ceux qui sont tournées en dérision parce qu'ils n'y font pas face, comme les meilleurs et de lever le voile sur leurs angoisses.
Mais au lendemain de la tuerie de Winnenden le débat semble reparti sur les rails « habituels ». Faut-il renforcer encore la législation sur les armes, mieux protéger l'accès aux écoles avec des détecteurs de métaux, mettre en garde à nouveau contre la violence virtuelle, les jeux d'ordinateurs et les films d'horreur. Le problème est en fait que face au déferlement de cette folie meurtrière il n'y a pas de prévention assurée, quels que soient les stéréotypes que l'on construise après le drame en reconstruisant les faits, remarque le Frankfurter Rundschau.
Pour le quotidien populaire Bild Zeitung, par contre, il est possible dés aujourd'hui d'expliquer simplement comment Tim K. est devenu un Amok. Il n'avait pas de vrais amis, vivait plongé dans le monde de son ordinateur et des armes. Il jouait au tennis de table, au foot, avait toujours le téléphone modèle dernier modèle et était plein de fric. Il cherchait en vain une reconnaissance, au milieu de ses échecs scolaires. Après avoir quitté l'école dans laquelle il a fait irruption hier, il était entré cette année dans une école privée mais collectionnait toujours des cinq ou des six, les pires notes qui soient en Allemagne. Il tirait à tour de bras avec sa collection d'armes à air comprimé, dans la cave de la villa de ses parents ou son père lui avait installé un pas de tir. Un ami -ce qui prouve au passage qu'il en avait signale qu'il n'avait pas de grand succès en amour. Sa copine l'aurait quitté récemment. Il était fan du jeu d'ordinateur Counter Strike et des films d'horreur. « Ça ne m'étonnerait pas qu'il ait passé la nuit devant son ordinateur, qu'il ait entendu parler au matin de l'Amoklauf aux Usa et qu'il soit parti ensuite pour l'école », afin de faire la même chose. Une construction qui correspond tout à fait à cette reconstruction stéréotypée évoquée par le Frankfurter Rundschau, et ne recoupe pas d'autres témoignages de ceux qui ont connu Tim K. Le Bild Zeitung cite d'ailleurs d'un autre côté un psychologue de la police qui souligne combien « les Amoklauf sont préparés longtemps à l'avance, bien préparés, et peuvent fondamentalement difficilement être évités. »
Il faut préciser ici d'où vient cette expression consacrée « Amoklauf ». L'un des premiers carnages de ce type daterait de 1964. A l'époque ou les ordinateurs n'existaient pas! Un homme de 41 ans tua alors huit écoliers deux maîtresses, dont son ancienne prof', dans la région de Cologne. Les termes Amok, Amoklauf, Amokschützen pour un tireur fou, Amokfahrer pour un conducteur fou, sont les termes utilisés couramment en Allemand. Ils font référence à l'Amok, un comportement spécifique aux populations indonésiennes (meng-âmok en mélanésien signifie: agresser et tuer avec une colère aveugle). L'Amok, pour venger la mort de l'un des siens ou simplement une insulte, devient fou furieux et tue autant de personnes qu'il le peut jusqu'à ce que lui-même soit mis à mort. A l'origine l'Amok n'était pas un acte individuel. C'était une action guerrière, au cours de laquelle quelques combattants tentaient d'éviter une défaite en attaquant l'ennemi sans faire de quartier, avec une brutalité folle. Amoklauf est le titre d'un film sur la folie meurtrière d'un individu isolé, tourné par Uwe Boll, un réalisateur contesté, en 1993. Amok est une nouvelle de l'écrivain autrichien Stephan Zweig. Un texte qui compte « parmi les plus lucides tragédies modernes de l'éternelle humanité... avec son odeur de fièvre, de sang, de passion et de délire malais... Amok est l'enfer de la passion au fond duquel se tord, brûlé mais éclairé par les flammes de l'abîme, l'être essentiel, la vie cachée." (Romain Rolland). La nouvelle a consacré en Allemagne l'expression utilisée aujourd'hui, Amoklauf, que l'on traduit en Français par tueur fou.
Voir également le billet "L'Allemagne désemparée tente de comprendre la violence meurtrière de Tim, 17 ans", sur mon Berlin Blog
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