vendredi 30 octobre 2009
Comment Astérix a appris à parler Allemand
Gudrun Penndorf raconte par le détails ces problèmes insolubles de traduction qu'elle a réussi elle à résoudre, dans le Berliner Morgenpost. Par exemple lorsqu'elle a dû traduire la réplique des Germains, chassés par les Romains à la fontière: “Pon! Pon! On s’en fa! Mais addentzion! On refiendra!“ . Comment faire sonner ça en Allemand, en gardant le clin d'oeil pour des oreilles allemandes. Elle a traduit en souabe: « Mer ganget. Aber mer kommet wieder » (wir gehen. Aber wir kommen wieder, en allemand actuel). Le problème de traduction se pose aussi évidemment pour les noms. « Uniprix », le gaulois marchand baptisé du nom d'une chaîne de magasin inconnue en Allemagne devient « Quellnix », de Quelle, le Konzern' de ventes par correspondance -en faillite aujourd'hui.
Elle cite au passage le travail de la traductrice anglaise, re-baptisant Idefix, « Dogmatix ». Pour l'Allemand, Alambix, impossible à rendre tel quel à partir du mot français alambic, est devenu Alkoholix. Impossible par contre de rendre Abraracourcix. Le nom vient de « frapper à bras raccourcis » qui se traduirait: « mit hochgekrempelten Ärmeln zuschlagen ». Il s'appelle donc Majestix. Il reste des trous explique Gudrun Penndorf, des trucs que l'on ne peut pas traduire d'une langue à une autre...impossible de mettre des notes en bas de page dans la BD.
Elle a longtemps réfléchi avant de traduire: « Ils sont fous ces romains », explique-t-elle dans le Tageszeitung. Avant de trouver: "die spinnen, die Römer", qui est une expression courante en Allemagne aujourd'hui.
La phrase avait déjà été traduite « Uuii, die Römer sind doof » dans une pré-édition. Ce qui est une traduction exacte littéralement, mais qui tue la force de l'expression française. Alors on réfléchit dit-elle, en cherchant comment traduire autrement « être fou », « verrückt », ou « doof ». « Et puis tout un coup le déclic », le verbe spinnen (« dérailler », selon le dictionnaire Collins) et hop le tour est joué. "Die spinnen, die Ägypter, die Römer, die Berliner".
Le premier exemplaire traduit en Allemand avait été vendu à 6000 exemplaires, et produit par un éditeur et un traducteur aux penchants nationalistes pervers qui avaient fait des deux Gaulois, deux héros germains, « Siggi und Babarras ». La licence leur fut retirée par Goscinny et tous les albums traduits ensuite en Allemand par Gudrun Penndorf, furent retraduits ensuite de l'Allemand au Français...pour que Goscinny vérifie la traduction dans la langue du pays voisin! Chaque nouvelle aventure des deux Gaulois -bien traduite- s'est ensuite vendue chaque fois deux fois plus que la précédente. 110 millions d'exemplaires ont été vendus en Allemagne, sur les 330 millions de BD au total. Le club des fans allemands est puissant et Astérix est aussi traduit en dialecte, souabe, saxon. Gudrun Penndrof a rendu son tablier après le 29 è Astérix traduit pour des différents de droits d'auteurs avec son éditeur...!