Le tribunal du travail ébranle le paritarisme cher aux patronat et à la confédération des syndicats
jeudi 24 juin 2010 à 20:09 - permalien #656
Un jugement qui légitime la concurrence syndicale et la reconnaissance des accords paraphés par des syndicats catégoriels, minoritaires, tels que le syndicat des conducteurs de train (GDL), ou le Marburger Bund des médecins hospitaliers, ou bien encore par des syndicats « chrétiens » qui négocient des accords au rabais à l'échelle d'une entreprise à l'encontre des accords de branche déjà en vigueur comme c'est le cas dans les postes.
La confédération des syndicats allemands (DGB) redoute que ce jugement n'entraine un éclatement des relations paritaires et des accords tarifaires établis entre employeurs et salariés, à la base des négociations et du consensus social à l'allemande.
Les entrepreneurs sont sur la même longueur d'onde. Ils redoutent que la concurrence syndicale ne favorise les grèves catégorielles, à l'aide desquelles une petite organisation « corporatiste » peut paralyser une entreprise, voire une branche.
Aucun autre syndicat concurrent ne serait autorisé à rompre la paix sociale et à organiser une grève durant la période d'application et de concertation garantie par l'accord qui fait loi.
« Les employeurs et la DGB sont rarement du même avis », souligne le Financial Times Deutschland, mais cette fois ils se se coalisent, estimant que le chaos et les conflits vont gangréner les rapports paritaires si le jugement du tribunal fédéral du travail s'impose dans les faits.
Sans «accord collectif unique, souligne Dieter Hund, le patron des patrons, le système menace de se rompre, le personnel de se diviser et les conflits collectifs pourraient se multiplier. »
Les experts du « marché du travail de la coalition d'Angela Merkel partagent le même souci. « Le législateur doit intervenir, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser le tissus des conventions salariales s'effilocher, comme c'est le cas dans les autres pays. Ces accords sont d'un intérêt commun à l'état et à la société. » Il n'est pas possible de laisser la porte ouverte aux grèves prolongées, répondant aux voeux d'un syndicat quelconque.
« Il faudra apprendre à vivre avec les différences, commente le Frankfurter Allgemeine Zeitung. » Les juges ont jeté par dessus bord une jurisprudence de plusieurs décennies, appréciée par les entrepreneurs parce qu'elle leur évitait de faire face à la concurrence des syndicats, et par les syndicats affiliés à la DGB parce qu'elle fondait leur pouvoir.
Les minorités qui ne s'estimaient pas représentées selon leurs voeux par les organisations traditionnelles pouvaient certes utiliser le droit fondamental de « liberté d'association » pour s'organiser et défendre leurs propres intérêts. Mais le statut des accords salariaux éventuels qui pouvaient en résulter restait contesté. Le jugement du tribunal fédéral légitime dorénavant la pluralité des accords collectifs. Les employeurs devront apprendre à vivre.
C'est certes plus facile à dire qu'à faire reconnaît le quotidien. Il faudrait envisager maintenant la mise en oeuvre des règles d'arbitrage et de conciliation qui permettraient d'éviter la multiplication de grèves et de conflits alimentés par des syndicats concurrents. Au lieu de cela malheureusement, les entrepreneurs et la DGB mettent tout leur pouvoir en oeuvre pour maintenir leurs monopoles et obtenir du gouvernement une loi qui protège l'autonomie des accords collectifs uniques dont ils sont les seul partenaires.
On ne risque pas pourtant de voir les mini-syndicats catégoriels se multiplier en masse, estime le Tageszeitung. Ces organisations n'ont une chance de succès que si leurs membres occupent des positions clés dans l'organisation du travail et peuvent totalement bloquer celui-ci. Il en est ainsi des médecins, des pilotes, des conducteurs de train.
Ailleurs la fondation de nouveaux syndicats contre ceux qui sont déjà en place serait hors de propos. Un syndicat des vendeurs ou des caissières ne va pas se constituer à côté du syndicat Ver.di des services et de la fonction publique.
Commentaires
1. Le mardi 29 juin 2010 à 17:55, par nadie
2. Le lundi 5 juillet 2010 à 17:44, par Michel Verrier
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