Christian Wulff en Turquie: "merci, monsieur le président"
mercredi 20 octobre 2010 à 15:00 - permalien #726
« Réconcilier au lieu de diviser.  Loin du chahut », Christian Wulff prend au sérieux son rôle de président qui doit donner sens à la politique et ne cherche pas a recueillir avant tout les applaudissements de la foule, estime le Frankfurter Rundschau . Il y a quelques semaines encore nombre de commentateurs s'interrogeaient sur ses capacités à remplir cette fonction. « Normalement on ne parle pas politique intérieur lors des voyages à l'étranger. Mais le discours d'Ankara du président allemand s'adressait aux Allemands, comme aux députés turcs. »
Wulff a démontré qu'il ne s'était pas plié devant les musulmans, en affirmant comme il l'a fait lors de la commémoration du 20è anniversaire de la réunification que : « l'Islam fait désormais partie de l'Allemagne ».
Il a évoqué au contraire en Turquie tout les problèmes auxquels sont confrontés les immigrés d'origine turque, la maîtrise de la langue, le respect de l'égalité homme-femme, la reconnaissance de la constitution, des lois allemandes, la neutralité de l'état en ce qui concerne la religion.
Les critiques adressées à la Turquie tenaient lieu en même temps de preuves de fermeté adressées à l'Allemagne. L'insistance pour que les chrétiens soient plus libres en Turquie en ce qui concerne l'exercice de leur religion, et son affirmation : « le christianisme fait partie incontestablement de la Turquie », étaient la réciproque de sa phrase-clé du 3 octobre à propos de l'Islam.
Des affirmations d'autant plus explosives en Turquie ou les chrétiens sont encore plus éloignés de cette "appartenance" au pays, que les musulmans en Allemagne. Wulff n'a même pas évité -pour le plaisir des connaisseurs- l'allusion au passé de la Turquie et à ses relations avec l'Arménie. En termes diplomatiques, mais en faisant référence tout de même au bénéfice qu'a su tirer l'Allemagne de son inventaire des crimes de la dictature nazie...
Le discours de Wulff a déjà eu plus d'effet que les habituels chahuts. On n'avait pas encore entendu un président turc invitant les siens à apprendre l'Allemand "sans accent" ou affirmer comme vient de le faire le président Gül qu'il est aussi le président des Chrétiens et des Juifs -comme Wulff avait affirmé "je suis aussi le président des musulmans, bien sur".
Le président a défendu avec énergie les droits des chrétiens en Turquie, souligne l'autre grand quotidien de Francfort, -article payant- le Frankfurter Allgemeine (conservateur). Il a souligné que les musulmans pouvaient pratiquer leurs cultes en Allemagne dans un cadre approprié comme le nombre croissant de mosquées le démontre. Mettant en garde contre les confrontations artificielles entre musulmans et chrétiens il a souhaité que ces derniers aient les même libertés de vivre leur foi au grand jour et d'éduquer leurs enfants en ce sens, dans les pays de monde musulman.
Wulff qui s'adressait à tous, Allemands et Turcs, a plaidé en même temps pour la liberté des chrétiens en Turquie et pour le respect par ceux qui veulent vivre en Allemagne de ses lois et de sa manière de vivre. Une affirmation qui aurait semblée scandaleuse il y a encore quelques années et qui était adressée en particulier au Allemands montés sur les barricades en entendant Wulff affirmer que l'Islam fait partie de l'Alemagne. Il a brisé une chaine de non-dits qu'aucun n'avait eu le courage de faire sauter avant lui.
Son discours -le premier d'un président de la république allemand devant le parlement turc- était dépourvu de tout ressentiment et de toute instrumentalisation politique qui ont rendu le débat en Allemagne si pénible à supporter ces dernières semaines, commente le Berliner Zeitung, Wulff a souligné à Ankara l'enrichissement que l'immigration a procuré à l'Allemagne. "Les étrangers ont rendu l'Allemagne plus ouverte, plus diverse, et tournée vers le monde a-t-il précisé tout en énumérant aussi les problèmes rencontrés, l'abus de l'aide public, la criminalité, la formation ou les comportements macho à l'égar des femmes.
Wulff a souligné l'importance pour l'Allemagne d'un partenariat particulier avec la Turquie, "pont entre l'Orient et l'Occident. Ayant du remplacer au pied levé le président démissionnaire Horst Köhler, Wulff n'a pas bénéficié d'état de grâce. Mais le discours d'Ankara a démontré ses capacités d'adaptation à sa nouvelle fonction. Qu'il devienne un discours historique ou non dépendra entre autres de la poursuite du débat, sur l'intégration en Allemagne.
"Il serait temps que les critiques se rendent compte qu'ils ont complètement sous-estimé Wulff, commente Michael Friedman, dans le quotidien populaire BZ. Son discours d'Ankara était son plus gros coup. Avec ses discours sur la liberté de culte et la paix entre les religions, il devient de plus en plus crédible. Compliment monsieur le président!".
Il n'a pas choisi la facilité en Allemagne, pas plus qu'en Turquie. Montrer que la liberté de religion n'est pas à sens uniqu,e tout en s'exprimant avec respect et en pratiquant l'art de la désescalade est un service de plus rendu par le président, face aux déclaration quasi hystériques et peu supportables du débat en Allemagne.
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