Pessimisme ambiant pour une visite express en Grèce





"beaucoup de bruit pour rien, la visite de Merkel à Athènes est seulement un acte symbolique avec un peu d'espoir, d'argent, et beaucoup, beaucoup de policiers, commente l'hebdomadaire Stern"

« Vous pouvez me rendre la monnaie en pièces de 2 euros », demande Angela Merkel tendant un billet de 500 euros à un mendiant dans une rue d'Athènes. Ce dessin humoristique légendé d'une phrase « la chancelière pourra-t-elle rétablir sa réputation en Grèce », illustre l'article consacré dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung (édition papier) à la visite de la chancelière aujourd'hui.
« Les mesures de sécurité mises en œuvre pour la recevoir laisse plutôt penser à une visite en Afghanistan que dans un pays membre de l'Union européenne, commente le quotidien libéral de Francfort».
Konrad Adenauer avait été mieux accueilli en 1954 lors de la première visite d'un chef d'état allemand, 10 ans à peine après la guerre, « il avait même eu droit à un feu d'artifice ». Le chancelier était resté presque une semaine, se déplaçant à travers le pays en voiture en bateau, et même à dos d'âne. Il avait été accueilli partout avec chaleur, sous les ovations notamment sur l'île de Santorin, et reçu lors d'un dîner d'honneur par le couple royal à Athènes. Personne n'avait évoqué «les massacres de la Wehrmacht, les combats entre les soldats allemands occupants et les partisans grecs ». Helmut Schmidt, Helmut Kohl et Gerhard Schröder visiteront également le pays. Aucun chancelier n'avait encore dû entreprendre le voyage dans des circonstances aussi difficiles que Merkel dont la visite sera courte, prosaïque, et sans explosion de joie pour l'accueillir.
Lors de sa précédente visite, il y a cinq ans, Merkel avait encore bonne réputation à Athènes, elle était venu soutenir Kosta Karamanlis, son homologue grec dans la famille des partis conservateurs européens, saluant la croissance économique du pays et négociant avec lui des contrats d'armements pour l'équipement de l'armée grecque. « Mais tout cela est bien loin », conclu le quotidien de Francfort.
« Merkel entreprend une mission aujourd'hui à Athènes qu'elle ne peut pas remplir, estime Spiegel on line. « Les Grecs attendent d'elle des promesses de solidarité, tandis que sa propre coalition gouvernementale et nombre de ses électeurs souhaitent au contraire qu'elle reste la chancelière d'acier qui prêche l'épargne aux pays du sud. Ils ne veulent en aucun cas verser de nouveaux crédits à Athènes ».
Si l'on en croit le porte-parole du gouvernement, Steffen Seibert, Merkel répondra également aux attentes des uns et des autres. Elle va témoigner en Grèce de son « soutien aux réformes ambitieuses en cours », tout en insistant sur « ce qu'il reste à faire ».  Cela ne marchera pas de toute évidence. Au moins l'une des parties sera déçue, peut être même les deux. »
« La Grèce va mal non pas parce que Merkel lui impose une cure d'épargne, mais parce que ses gouvernements ont menti pendant dix ans à leur peuple et à l'Union européenne, avant de payer le prix en 2010, rappelle le Tagesspiegel berlinois (édition papier). Mais la colère des Grecs à l'égard de Merkel n'en est pas moins compréhensible . Elle a longtemps considéré le drame économique grec comme une maladie que l'on peut traiter par admonestations, refusant par exemple de s'engager pour une aide européenne en 2010 dans l'espoir d'en tirer profit aux élections régionales de Rhénanie du nord ou la CDU était menacée. Sans résultat. « Madame non a du finalement dire oui. Mais son attitude tacticienne explique pourquoi elle est si mal aimée aujourd'hui en Grèce -comme dans d'autres pays. »
Angela Merkel souligne certes que son « cœur saigne » face à la misère que subissent les Grecs. Il faut souhaiter qu'elle parvienne à faire ressentir cette compassion, indispensable en politique internationale en temps de crise.
La chancelière se rend dans un pays avec lequel l'Allemagne entretient de profonds liens d'amitié depuis les années soixante-dix, rappelle le Süddeutsche Zeitung. Ce n'était pas seulement vrai au niveau des relations entre états. « Je me suis rendu à Athènes en 1964, note le commentateur et je n'ai pas compris pendant un bon moment pourquoi les Grecs s'entendaient mieux avec l'ancien pays occupant qu'avec les Anglais et les Américains qui les ont libérés ».
Plusieurs raisons ont profondément endommagé cette amitié depuis le début de la crise. L'argent qui détruit l'amitié est le premier coupable. D'autant plus que depuis l'entrée de la Grèce dans la zone euro les Grecs ont montré qu'ils ne savaient pas gérer leurs richesses, alors que c'est la spécialité des Allemands. Maintenant que toute la famille a la même monnaie, les Allemands ne peuvent pas supporter que les Grecs la gaspillent.
Les médias ont aggravé la situation des deux côtés en ridiculisant les Grecs en Allemagne et en traitant les Allemands de nazis en Grèce. Les politiques ne valent guère mieux. Monsieur Schäuble ne manque pas une occasion de faire la leçon aux Grecs, Rösler (ministre de l'économie), Söder (CSU bavaroise), Dobrindt (FDP) de même, la chancelière est peut être la seule à épargner les commentaires.
« Les Grecs se ressentent de plus en plus comme des victimes -une attitude courante dans les Balkans- tandis que les Allemands, fiers de leurs résultats veulent que les autres européens fassent comme eux. » Ils sont perçus en Europe comme des maîtres d'école qui traitent les autres comme des écoliers. Alors que le chômage est à 23 %, 50 % pour les jeunes, les suicides ont augmenté de 33 %. Et il faut malgré tout réduire les retraites et les salaires tandis que les impôts se multiplient.
Les Allemands veulent expliquer aux Grecs, dans ce contexte leurs « erreurs », faisant appel à la raison à un moment ou ils auraient besoin plutôt de compassion. La chancelière pourrait y contribuer lors de son voyage. « Il serait dommage qu'une longue amitié soit détruite par les préjugés et les incompréhensions. »


Trackbacks

Aucun trackback.

Pour faire un tracback sur ce billet : http://www.michel-verrier.com/revue-presse-allemagne/tb.php?id=1239

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment.

Ajouter un commentaire


la Une des Hebdos

04.02.2013
L'enfant soucis de l'Allemagne

les 200 milliards de budget de la politique familiale n'y font rien les naissances restent en panne

20.01.2013
Ce ne sont plus des nègres, les enfants!

Les livres doivent-ils être réécrits pour devenir politiquement corrects.

LIRE SUR MON BERLINBLOG

"IL Y A CINQUANTE ARRIVAIENT LES "GASTARBEITER"



L'industrie allemande avait besoin des travailleurs turcs ...lire la suite


"GRANDE NATION", "NAIN POLITIQUE", ÉTIQUETTES POUR COUPLE BANCAL



Face à la guerre en Lybie, La France est à l'initiative des frappes, L’Allemagne s'abstient ...lire la suite


NUCLÉAIRE,LA DIFFÉRENCE FRANCO-ALLEMANDE



Pourquoi les Allemands sont-ils si remontés contre le nucléaire, à la différence des Français, jusqu'à présent tout au moins? ...lire la suite


ARTE CÔTÉ ALLEMAGNE



Arte Allemagne a dû faire face dés ses débuts à une quarantaine de chaînes concurrentes, dont la chaîne culturelle 3SAT. Une autre histoire qu'en France ...lire la suite


LES FAUX COMPTES DE SARRAZIN




Une équipe d'universitaires accuse l'ancien dirigeant de la Bundesbank d'avoir manipulé données et statistiques, dans son livre « l'Allemagne se liquide elle même » ...lire la suite


UN RACISME ANTI-ALLEMAND?



Dans les collèges ou les jeunes d'origine turque ou arabe sont la majorité, les jeunes Allemands de souche seraient confrontés au choc des cultures et mis à l'écart, selon un documentaire qui a fait beaucoup de bruit: "lutte dans la salle de classe" . ...lire la suite


MODERATION SALARIALE ET SOCIÉTÉ À DEUX VITESSES



Lidl, la chaîne discount, propose un salaire minimum interprofessionnel contre le "dumping salarial", à l'autre bout de l'échelle les salaires ont progressé de 6,7% ces dernières années.... lire la suite


ANGELA MERKEL PRISE ENTRE DEUX FEUX



La chancelière fait face aux critiques des "orthodoxes" qui lui reprochent ses compromis à Bruxelles et à celle des réalistes qui jugent dommageables son profil de "madame no"..... lire la suite


LE NOUVEAU VISAGE DE LA COMMUNAUTÉ JUIVE



Dieter Graumann, le nouveau président du conseil central en Allemagne n'est pas un rescapé de l'Holocauste, comme ses six prédécesseurs et 90% de la communauté aujourd'hui est originaire de l'ex-bloc de l'est... lire la suite


HAMBOURG, ÉCHEC À LA RÉFORME SCOLAIRE



Un référendum d'initiative populaire rejette le prolongement de la scolarité commune des enfants de deux ans. Une claque pour le gouvernement CDU/Verts... lire la suite


-HITLER
-JUIFS DE BERLIN
-TRAVAIL FORCÉ



Trois expositions berlinoises marquantes, pour un travail de mémoire jamais achevé
. ...lire la suite


10 ALLEMANDS PARLENT DE L'EUROPE ET DE L'EURO



S'il existe une nostalgie du Dmark, il n'existe pas de majorité nostalgique, et partisane d'un retour à la monnaie du miracle d'après guerre
... lire la suite


WINNENDEN, LE CHOC DURERA DES ANNÉES ENCORE



Neuf élèves, trois professeurs, sont tombés le 11 mars 2009 au collège Alberville à Winnenden sous les balles de Tim Kretschmer, 15 ans, qui se donnera la mort. Rien n'est plus comme avant
... lire la suite


LES MORTS DE DUISBOURG ONT TUÉ LA LOVE PARADE



Les 21 morts et les centaines de blessés victimes du tunnel de Duisbourg, ont donné le coup de grâce à Love Parade. Née il y a vingt ans à Berlin elle avait donné à l'Allemagne l'image de la jeunesse, de l'amour et de la musique
... lire la suite


BMW ESPÈRE SORTIR RENFORCÉ DE LA CRISE



l'usine de Münich est fermée pour cinq semaines, les salariés ne craignent pas les licenciements, leur emploi est garanti jusqu'en 2014
... lire la suite


DRESDE, FAILLITE DE QIMONDA



Dans la Silicon Valley saxonne, le fabricant de mémoire, n'a pas résisté à la crise.
... lire la suite


VW,L'AUTOMOBILE ALLEMANDE MISE EN QUESTION



"Notre pays vit en bonne partie de l'industrie automobile, résume le vice président du syndicat de la métallurgie de Wolfsburg, le fief de VW
... lire la suite


ASSE II: LE STOCKAGE DES DÉCHETS NUCLÉAIRES TOURNE AU DÉSASTRE



En inaugurant le stockage des déchets nucléaires dans une mine de sel il y a quarante ans l'Allemagne était à la pointe de la technique<
... lire la suite


MÉMOIRE: ANNE FRANK RETROUVE LES SIENS



« Salut et bises à tout le monde », le livre qu'est venu présenter à Berlin début décembre le cousin d'Anne Frank, Buddy Elias, a été écrit après la découverte de milliers de lettres et photos entassés dans les greniers de la maison familiale des Frank
... lire la suite


UN AN APRÈS L'INTERDICTION, BERLIN FUME TOUJOURS



on ne grille certes plus la cigarette dans les bureaux et établissements publics, mais dans certains cafés restaurants la fumée a encore ses droits
... lire la suite