Les Nazis restent les autres | Les Polonais n'étaient pas tous antisémites




la trilogie "Unsere Mütter, Unsere Väter", raconte l'histoire de 5 jeunes Allemands de 1941 à 1945

Le film « Nos mères, nos pères », projeté en trois épisodes sur les écrans de la seconde chaine, ZDF, a battu des records d'audiences, avec plus de 7 millions de téléspectateurs. Il raconte l'histoire de cinq jeunes allemands, cinq amis, emportés en 1941 dans le cyclone de la guerre à l'est, en Pologne, en Russie, jusqu'à la débâcle et la défaite -l'occupation, la libération- en 1945. Les images choquent, elles sont particulièrement réalistes en ce qui concerne les combats, l'horreur des exécutions sommaires de familles, hommes, femmes, enfants, accusées d'aider les « partisans », les charniers dus à l'exécution des juifs, par les « Einsatzgruppe », les transports vers les camps dans les wagons de bestiaux.
Il y a quelques années encore l'exposition sur les « crimes de la Wehrmacht à l'est », qui retraçait en photos cette histoire et mettait fin à la légende de l'armée allemande « propre » qui n'aurait pas trempé dans les crimes nazis avait été critiquée pour ses « approximations » attaquée par des manifestants, et finalement fermée.
« Nos pères, nos mères » est de ce point de vue une avancée.
Les cinq héros sont ceci dit bien particuliers et ne reflètent que très partiellement le titre du film. Aucun d'entre eux n'est nazi, militant ou proche du NSDAP. Ils croient certes -au début du film- aux fantaisies de la propagande hitlerienne : la guerre sera courte, et ils fêteront ensemble l'an prochain à nouveau leur noël à Berlin.
Mais Viktor qui fait partie de la bande des cinq est juif -ce qui est peu vraisemble, à cette date la fréquentation de membres de la communauté juive est déjà de l'ordre de la résistance pour les Allemands. Ils aiment le jazz, et sont des intellectuels, comme le soldat Friedhelm ou son frère le lieutenant Wilhelm, ou des artistes, comme Greta, jeune chanteuse, amante de Viktor. Elle deviendra plus tard la maîtresse d'un vrai nazi celui-là pour poursuivre sa carrière et obtenir un faux passeport pour Viktor. Mais celui- ci, après s'être échappé d'un convoi vers Auschwitz, rejoindra la résistance polonaise -et devra faire face à son anti-sémitisme, illustré avec insistance.
Charlotte, elle, devient infirmière dans un hôpital de campagne, au cœur des massacres pour servir la patrie. Elle est confrontée à la mort-disparition de son ami Wilhelm puis à sa résurrection car il avait en fait déserté au fin fond de la forêt avant d'être débusqué par hasard par des soldats allemands, puis dégradé et renvoyé au front. Charlotte dénonce une infirmière juive puis s'en repend, elle protègera une jeune russe, travailleuse forcée, jusqu'au bout et sera violée par les soldats de l'armée rouge après la prise de l'hôpital -et sauvée par une commissaire politique.
Friedhelm, le frère de Wilhelm, pacifiste au départ devient un tueur cynique - « il meurt intérieurement » résume l'acteur qui l'incarne. Mais il tuera aussi un de ses supérieurs, comme son frère. Des supérieurs militaires hystériques, S.S exterminateurs qui incarnent le pire en quelque sorte et innocentent en partie Friedhelm et Wilhelm.
Eux sont avant tout des victimes de la guerre qui a fait triompher tout ce qu'ils avaient de pire au fond d'eux même.
En 1945, Berlin en ruine est « libéré » - « occupé » dira-t-on alors- par l'armée rouge. Viktor, Charlotte et Friedhelm s'y retrouvent, brisés. Greta a été exécutée par les S.S peu avant la prise de Berlin pour acte de « démoralisation ». Wilhelm a préféré se sacrifier dans un dernier assaut contre les troupes russes après avoir intimé l'ordre aux derniers gamins qui défendent le Reich de se rendre.
Tous les cinq ont fini par désobéir, s'opposer aux nazis. Tout le problème du film est là. Ses cinq héros illustrent-ils « Nos mère et nos pères » qu'évoquent son titre ?
Que les bouches s'ouvrent est l'un des propos de Nico Hoffman, le réalisateur. La projection sur les écrans de TV devant permettre de rompre le silence des anciens, de ceux qui ont vécu cette période et se sont tus, ensuite.
Mais de ce point de vue il est un peu tard, les survivants deviennent rares et il s'agit en fait des « grands pères et grands mères » des Allemands d'aujourd'hui comme le font remarquer certains participants du forum ouvert sur le site de la chaine ZDF.
A la fin des années soixante, la génération de l'après guerre a déjà cassé le silence de la génération précédente, apostrophant la mémoire muette de « nos pères et nos mères ».
La révolte des étudiants en 1968 était en partie une réaction contre cet oubli volontaire, cette négation de leurs responsabilité de la part des parents qui avaient permis -volontairement ou non- le triomphe d'Hitler, la guerre, les camps.
Or sur cette question précise de la responsabilité de « nos pères, nos mères », justement le film évite au fond le problème. Les cinq héros sont plutôt présentés comme des victimes du IIIè Reich que comme des acteurs du triomphe du nazisme qui ruina l'Allemagne.
Ils sont à part, à l'écart du courant « mainstream » qui marquait l'Allemagne en 1941, souligne une critique de l'hebdomadaire die Zeit. Le film évite de montrer que « les Allemands aimaient le Führer, et souhaitaient la victoire finale, qu'ils appréciaient les mérites du régime et ses buts, sans gène. Qu'ils étaient devenus nationaux-socialistes convaincus par amour et idéalisme et pas simplement par obligation, sous la pression et par erreur. Qu'ils haïssaient leurs ennemis et jugeaient normal que les juifs, les handicapés, les minorités n'aient pas leur place dans leur société, quelles qu'en soient les conséquences. »
Il est certes évident que tous les Allemands n'ont pas été « nazis » selon la conception encore trop répandue de certains philosophes de comptoir.
La « culpabilité collective » de l'Allemagne, rappelons le, est un leurre grossier.
Ce sont des d'abord des Allemands, opposants, résistants, syndicalistes, prêtres, qui inaugurèrent les premiers camps de concentration et qui furent impitoyablement pourchassés et exterminés jusqu'en 1945. Une part de la population de l'Allemagne du IIIè Reich resta sceptique, voir hostile au régime.
Mais en 1941 justement, au moment ou débute le film, l'enthousiasme pour Hitler, le national-socialisme et la guerre après la victoire contre la France atteignait son apogée rappelle l'historien Ulrich Herbert http://www.taz.de/Unsere-Vaeter-unsere-Muetter/!113239/dans le Tageszeitung. « A cette époque, tout les historiens sont d'accord, la grande majorité des Allemands soutenaient le régime ». Or on ne voit rien de cela dans le film « nos père, nos mères ».
Les partisans du régime, les nazis, les S.S sont au contraire des personnages de second rang, détestables, incarnations du mal -et souvent caricaturés . En retour nos cinq héros, en dépit de leurs crimes « momentanés » semblent être du côté des bons, égarés.
« Mais tant que l'on ne montre pas des gens qui estiment la guerre juste et cultivent un mentalité nationaliste et populaire, sans être sadiques ou naïfs ou fous, des gens qui ne veulent faire aucun compromis avec les Russes, veulent se débarrasser des juifs et tiennent l'euthanasie pour une bonne chose, on ne comprendra pas ce qui a pu se passer, insiste Ulrich Herbert. 
Et les nazis restent « les autres ». A l'inverse de ce que la révolte de 1968 avait voulu mettre en lumière. De ce point de vue « Nos mères, nos pères » est un recul.

. Bartoz Wielinski, journaliste polonais, s'insurge dans les colonnes du quotidien populaire berlinois B.Z contre l'image de la résistance polonaise et de la Pologne antisémite que donne le film "Unsere Mütter, Unser Väter". Les Polonais sont parmi les plus cités dans les "justes" du mémorial de l'Holocauste Yad Vashem, souligne-t-il. Aider un juif était pourtant puni de la peine de mort. Et si les exécutions de masses de civils qui soutenaient les partisans, ont certes ébranlé les polonais, "la terreur a finalement renforcé la résistance". La Pologne n'a pas cédé au chantage.
Il relève également nombre d'erreurs factuelles dans la trilogie. Les partisans n'attaquaient pas les convois ferroviaires à la mitraillette, en général ils faisaient sauter les voix. Quant à la scène finale ou l'on voit les partisans refuser d'aider les juifs qu'ils découvrent dans les wagons du train de déportation qu'ils viennent d'attaquer "c'est un pur mensonge" contre lequel le ministère des affaires étrangères polonais devrait réagir.


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