Conflit sur les Panzers pour l’Ukraine au Bundestag

Le chancelier Scholz freine-t-il les livraisons d'armes à l'Ukraine, en particulier en ce qui concerne les chars de combat Leopard 2? La polémique crée des remous à Berlin au sein de l'alliance gouvernementale des Sociaux-démocrates des Verts et des Libéraux -reprise  à Paris par certains polémistes. 
L’argumentation de l’oppositions démocrate-chrétienne est simple : la résolution du Bundestag adoptée après le discours du chancelier Scholz en février sur le "changement d’époque" dû à l’agression de la Russie est ignorée aujourd’hui, alors que les véhicules de transport blindés et les panzer du type Leopards 2 devraient être directement livrés par l’industrie allemande à Kiev. En vue de la prochaine offensive.

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Johann Wadephul, CDU, vice président du groupe démocrate chrétien s’insurgeait jeudi de ce que le gouvernement ne mette pas en œuvre une résolution du parlement obligeant ainsi l’opposition  à déposer pour la seconde fois une requête afin que le Bundestag puisse en débattre. Son collègue Florian Hahn assène quand à lui : « l’Ukraine a besoin de plus et nous pouvons livrer ce plus... », rapporte le quotidien Bild.
La réponse du SPD, le parti du chancelier, est à double détente. «  l’Allemagne livre les armes, selon Gabriela Heinrich, responsable de politique étrangère. Nous sommes les principaux fournisseurs avec les USA et le Royaume uni, et nous sommes les premiers en ce qui concerne l’Union européenne ».

Le chancelier Olaf Scholz ajoute qu’il ne veut pas faire cavalier seul et que  les chars d’assaut de dernière génération fabriqués aux USA ou en Europe ne font pas partie des types d’armements fournis à ce jour par les alliés à l’Ukraine. Berlin a préféré jusqu’ici en ce qui concerne les chars procéder à un échange circulaire, « Ringtausch », (voir mon billet le chancelier Scholz livrera-t-il des chars à l'Ukraine ) avec les pays d’Europe de l’est ou la Grèce par exemple. Ces derniers fournissent à l’Ukraine des blindés identiques à ceux de la Russie qui équipaient auparavant les armées des pays de l’est. En compensation  l’Allemagne leur livre des chars modernes.  
Christine Lambrecht (SPD), ministre de la défense, illustrait ainsi  cette politique sur la chaîne publique ZDF à la veille du débat au Bundestag : l’Ukraine va recevoir rapidement 40 chars de combat de Grèce et 28 de Slovénie et l’Allemagne va contribuer à compenser ces « trous » dans les deux pays.

Le ministère de la défense demande un budget complémentaire de 700 millions d’euros notamment pour les livraisons d’armes à l’Ukraine. Une telle politique d’échange laisse cependant l’Ukraine sans réponse à ses exigences : disposer de chars modernes du type Leopards allemand ou Leclerc français afin d’affronter l’armée russe, dotée de blindés anciens, avec le maximum de chances de succès.  
Christine Lambrecht assure par ailleurs que l’armée allemande ne peut pas délivrer des armes à l’Ukraine à la demande, sans prendre en compte l’état actuel de la Bundeswehr. Son armement  a été réduit, dégradé depuis des décennies, par la politique d’épargne budgétaire des gouvernements d’Angela Merkel  et la conviction que Berlin n’aurait pas à répondre à un conflit avec Moscou après la chute du mur et la dissolution de l’URSS. L’intervention de la Bundeswehr se limitant à des missions et interventions  « pacifiques » dans le cadre de l’ONU et de l’Otan. Elle doit donc aujourd’hui se réarmer quasi intégralement si elle veut « jouer son rôle » au sein de l’Alliance atlantique, avec un matériel moderne, tels que les chars Leopards dont l’Ukraine réclame de son côté la livraison.

Un argument d’« équilibre » partagé en partie au moins par les Verts, membres de la coalition gouvernementale. « Les systèmes d’armement aident et protègent des vies, assure le président du parti Vert Omid Nouripour."   Face aux mises en demeure de l’Union chrétienne, le chef des Verts assène : « notre solidarité avec l’Ukraine reste intacte et nous n’avons pas besoin de vos avertissements.» Mais le soutien sera de longue haleine et il est inutile selon lui de détailler les équipements militaires sans tenir compte  de la balance indispensable entre les impératifs de l’Alliance dont fait partie l’Allemagne et les besoins de l’Ukraine. Il rappelle à la CDU/CSU que les Verts ont soutenu l’Ukraine dés le début dans les démêlés avec Nordstream et Gazprom’ ainsi que lors de la révolution  de Maïdan en 2014. 

Mais certains au sein des Verts ne se satisfont pas de cette politique de réserve en ce qui concerne les livraisons de chars de combats. Anton Hofreiter, ancien président du groupe parlementaire des Verts au Bundestag  accusait même récemment le chancelier Scholz dans un face à face avec Ralph Stegner, SPD, d’empêcher l’Espagne de livrer à l’Ukraine les chars Leopards 2 que le premier ministre Sanchez était prêt à lui fournir.  Hofreiter ne cesse d’intervenir depuis des mois en faveur de la livraison d’armes moderne à Kiev. Il fut l’un des premiers à revendiquer l’embargo sur le gaz et le pétrole contre Moscou et la livraisons d’armes à l’Ukraine, dés l’agression russe. Les Verts, membres du gouvernement Scholz, Robert Habeck et Annalena Baerbock étaient beaucoup plus réservés. 

Les libéraux du FDP, membres comme les verts de la coalition du chancelier Scholz, font également pression sur le chancelier. Leur porte parole Marie-Agnes Strack-Zimmermann insiste pour qu’il explicite sa réserve à l’égard de la livraison des chars de combat. Car, selon elle, l’ambassadrice des USA en Allemagne, le secrétaire général de l’Otan, la présidente de la commission européenne insistent de concert pour que l’Allemagne prenne la tête des opérations en Europe, également dans la livraison des Panzer à l’Ukraine. Ce que rejette précisément Olaf Scholz.
Strack-Zimmermann n’en oublie pas pour autant de maintenir la « cohésion » du gouvernement Scholz en imputant l’état pitoyable de l’armée allemand – pas de drone, des dépôts d’armement vides, des infrastructures KO et aucune réforme de l’armée- à la démocratie chrétienne à Angela Merkel et à  ses ministres de la défense successifs, dont Ursula von der Leyen, ce qui interdit d’accéder aux demandes de l’Ukraine, sans restrictions.

Nils Schmidt, SPD, porte parole du groupe parlementaire social démocrate  pour les affaires étrangères a conclu le débat au parlement en accusant l’Union chrétienne de faire diversion : « vous ne vous intéressez pas sérieusement à la question décisive, le soutien à l’Ukraine... ». Tous les jours des armes son livrées à l’Ukraine, selon lui.  Pas besoin pour cela d’une résolution extraordinaire du Bundestag. « Vous cherchez simplement à faire du spectacle à moindre coût ».
L’Union chrétienne n’a pas réussi finalement à imposer le débat, renvoyé finalement en commission.
 

Michel Verrier

Author: Michel Verrier

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