VW, une affaire d'état
Publié le vendredi 25 septembre 2015, 22:08 - modifié le 07/01/22 - économie - Lien permanent
- Article
- |
- Commentaires (0)
- |
- Annexes (0)
. A Münich le groupe BMW a dû déclarer à son tour qu'il ne manipule pas les émissions de ses véhicules. Mais la « confiance des consommateurs dans l'ensemble de la branche automobile est ébranlée. Et nombre d'entre eux seront beaucoup plus sceptiques sur ses promesses dorénavant. » Plusieurs pays ont déjà annoncé des contrôles sur les véhicules du groupe VW, ils pourraient être étendus à d'autres constructeurs. Marcel Fratzscher, président de l'institut de recherche économique craint que « les autres exportateurs en subissent également les conséquences. VW était en effet jusqu'ici l'un des porte-drapeau du « made in Germany ».
Les Allemands ont besoin de symboles avec lesquels ils peuvent s'assurer de ce qui est typiquement allemand. VW en fait partie. « L'entreprise était jusqu'ici symbole de fiabilité, de progrès, de l'art des ingénieurs allemands et de la confiance qu'ils méritent », poursuit le SZ. Le drame touche toute l'Allemagne, car VW n'a pas de liens avec une couche particulière de la société. « Même si vous ne travaillez pas chez VW ou ne conduisez pas une Golf, cela rend tout le monde malade.»
« La vitesse à laquelle le mythe VW est mis à mal est époustouflante et fait froid dans le dos», note le Süddeutsche Zeitung. Il y a une semaine la qualité du travail des ingénieurs allemands était considérée comme ce qui se fait de mieux sur la planète. Aujourd'hui la chute du cours de l'action VW est sans égale, la valeur de VW a été amputée de 22 milliards d'euros en une semaine. Les faits qui sont révélés chaque jours, sont incroyables. VW devenu il y a peu le 1er constructeur mondial devant Toyota compte pas moins de 600000 salariés à travers le monde et le scandale de la tricherie industrialisée sur les émissions de gaz de ses modèles diesel est un coup pour l'ensemble de l'industrie automobile allemande, dont la qualité des modèles est l'un des arguments majeurs de leurs ventes à l'exportation.
Le quotidien de Münich rappelle au passage que ce n'est pas le premier scandale dont sont victimes les firmes allemandes aux USA précisément. Daimler et Siemens y ont été poursuivies pour corruption. Le groupe pharmaceutique Bayer a frôlé sa perte pour la vente d'un produit le Lipobay dont les effets secondaires pouvaient être mortels.
On peut aller jusqu'à « douter que VW parvienne à se remettre du scandale ». Le groupe devra pour cela se ré-organiser complètement. Son président Winterkorn -qui vient de démissionner- avait institué un style de direction autoritaire, jusqu'au moindre boulon, ne tolérant ni contradiction ni doute. La pression à la vente de véhicules avant tout était devenue insupportable, au détriment de la qualité. VW c'est « la Corée du nord sans les camps de travail », résumait der Spiegel. Le conseil de surveillance du groupe est dominé il est vrai par les membres de la famille Porsche-Piëch -héritiers du fondateur Ferdinand Porsche-, par le land de Basse-Saxe, et par les représentants du personnel. Les personnalités indépendantes, capables d'exercer un contrôle font défaut.
Le nouveau président, Mathias Müller a du pain sur la planche. Saura-t-il faire face ? Il est un produit du groupe VW, et le protégé de Ferdinand Piëch, le petit fils de Ferdinand Porsche. Piëch avait tenté vainement d'imposer Müller contre Winterkorn a la tête de l'entreprise et avait dû s'incliner. Il tient là sa revanche.
Mais les tricheries de VW avec les normes d'émissions de gaz des diesel font-elles donc exception ? Le module du système qui régule le fonctionnement du moteur diesel des modèles VW incriminés est fabriqué par l'équipementier Bosch. Il équipe également nombre de modèles diesel d'autres marques souligne le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le logiciel installé d'origine est ensuite adapté ou remplacé par les constructeurs, afin de répondre à leurs exigences de fonctionnement et de dynamique du moteur. Ils en gardent les secrets. Et Bosch dénie toute responsabilité en ce qui concerne leurs choix, allant jusqu'aux escroqueries que vient d'avouer VW.
Bosch n'en vante pas moins les mérites du diesel, économe et « propre ». 50 % des véhicules sont équipés d'un diesel en Europe (48 % en Allemagne, 60 % en France), contre 3 % aux USA. VW n'est donc pas seul dans la tourmente.
« Les données dont on disposait déjà permettent de soupçonner tous les constructeurs, de manipuler leurs modèles lors des tests d'homologation, explique l'expert Fritz Vorholz dans les colonnes de die Zeit. Et si les véhicules diesel sont dans le viseur pour l'instant les voitures à essence à injection directe ont le même type de problème. La consommation notamment est en général largement au dessus des normes indiquées Ce qui implique forcément des manipulations dans le domaine essentiel de la motorisation.
Pour les experts le scandale VW n'est donc guère une surprise. Ils savent depuis longtemps que les tests d'homologation des véhicules sont manipulés. « Auparavant on se contentait de simples interrupteurs, aujourd'hui on réalise ces trucages avec des systèmes électroniques complexes. » Le fossé entre les tests et la réalité reste béant. Des contrôles sur une quinzaine de véhicules diesel ont démontré que les émissions étaient sept fois supérieures en moyenne aux normes en vigueur. Il ne serait guère difficile pourtant de mettre en œuvre les avancées techniques qui permettraient d'éviter tout cela. Mais « on » préfère s'en passer aussi longtemps que possible, souligne l'expert interrogé par die Zeit. »
Autant de dérives que le gouvernement, et le ministre des transports en particulier ne pouvaient ignorer selon le quotidien die Welt, qui en voit la preuve dans les échanges au parlement. Le 28 juillet une question du groupe parlementaire des Verts interrogeait précisément le ministre des transports, Alexander Dobrindt(CSU bavaroise), sur les systèmes d'interruption des émissions de gaz durant les tests des véhicules, qui permettent de les réduire et de truquer les normes qu'il s'agisse de moteur diesel ou à essence. La réponse du gouvernement ne faisait que constater « comme la commission européenne » que la prévention contre ces systèmes d'interruption des émissions n'avait jusqu'à présent pas « fait ses preuves. » Le gouvernement n'ignorait donc aucunement leur existence. Installés sur 11 millions de VW, on en compte 2,8 millions en Allemagne.
Le ministre Dobrindt ajoutait même poursuit die Welt qu'il soutenait « tous les efforts entrepris par l'UE pour diminuer les émissions réelles des véhicules automobiles ». En d'autres thermes, commente le quotidien, le ministre reconnaissait qu'il a été impossible jusqu'à présent de débusquer les manipulations en question et qu'on a renoncé par conséquent à les mettre hors fonction lors des tests officiels d'émission des gaz des véhicules.
Le vice président du groupe parlementaire des Verts, Oliver Krischer, met donc aujourd'hui en doute la crédibilité de la commission mis en place par Dobrindt pour faire toute la lumière.
« Le scandale VW provient de ce que la préservation du climat et du consommateur ne jouait plus aucun rôle face aux trucages et tromperies diverses, souligne--il. Ce qui inflige de sérieux dommages à l'industrie automobile. Qui ne s'impose pas une politique ambitieuse de préservation de l'environnement perd pour longtemps la confiance du consommateur sur le marché mondial. C'est ce qui arrive aujourd'hui à l'industrie automobile allemand avec le soutien amical du ministre Dobrindt ».