l'alliance BASF-Gazprom' la dépendance russe de Berlin

Martin Brudermüller, le chef du puissant groupe chimique allemand BASF a prophétisé une catastrophe pour l’Allemagne si elle met fin à l’importation du gaz russe. Il annonce la destruction de l’économie, les ravages du chômage et la fin du bien être des ménages. Comment l’Allemagne est-elle devenue si dépendante du gaz russe. A tel point qu’elle ne peut plus s’en passer contribuant ainsi à financer le budget militaire russe et s’attirant les foudres des critiques, de l’Ukraine à ses partenaires européens.

Le groupe BASF est l’un des principaux artisans avec Siemens du lien tressé depuis trois décennies entre l’Allemagne et la Russie pour l’exploitation du gaz en Sibérie, son transport par gazoduc sous marin via la mer Baltique  directement à Lubmin en Mecklembourg-Poméranie et sa distribution en Allemagne et en Europe. "Rien de mieux que Nord Stream 2 ne pouvaient nous arriver", le gazoduc était une aubaine pour la région de Lubmin et la ministre-présidente du Mecklembourg, Manuela Schwesig (SPD).

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Terminal de Nord Stream 2 à Lubmin en Allemagne...

Le géant de la chimie allemande avait construit dés les années quatre vingt dix son propre réseau de pipeline entre les gisements de gaz de Gazprom’ en Sibérie jusqu’à son site d’exploitation de Ludwigshafen, en Allemagne.

BASF, sa filiale Wintershall et Siemens apportaient en Sibérie leur savoir-faire à Gazprom’. BASF profitait en ressource d’énormes ressources gazières à bas prix pour son industrie chimique. BASF-Wintershall et Gazprom’ commercialisent de concert en en Allemagne la distribution du gaz russe, avec de juteux profits.

Il s’agissait là d’un véritable "partenariat stratégique" noué entre les grands groupes allemands et russes, après la chute du mur. L’approvisionnement de l’Allemagne en gaz russe existait déjà du temps de la « guerre froide », irritant ses partenaires de l’Otan.
Mais l’industrie ouest-allemande profita ensuite, après la réunification, des ressources en cadres et ingénieurs de l’ex-Allemagne de l’est coutumiers des relations économiques et commerciales avec la Russie - et parlant russe.   Le partenariat signifiait que l'Allemagne apportait à la Russie  sa technologie pour moderniser l’industrie et recevait en échange la sécurité d’approvisionnement énergétique, avec le gaz.

« Nous n’importons pas seulement du gaz de Russie pour le commercialiser de concert avec Gazprom’ en Allemagne, nous produisons également ensemble du gaz naturel en Russie. Cela signifie une  meilleure sécurité d’approvisionnement énergétique pour l’Allemagne et l’Europe », déclarait en septembre 2008 Jürgen Lambrecht président du groupe BASF lors de la fête officielle du « joint venture » BASF-Gazprom en Russie à Nowy Urengoi. Il soulignait qu’avec BASF un groupe européen était « pour la première fois associé à l’exploitation du gaz sibérien ».  
Alexej Miller, président de Gazprom’, lui répondit que son groupe « était lié à BASF par 15 ans de travail commun couronné de succès dans le projet d’infrastructures de distribution du gaz en Europe ». Les projets de BASF et Gazprom’ d’exploitation et de distribution du gaz sibérien en commun étaient envisagés pour une période de 40 ans à venir.
En visite à Moscou en octobre 2010, Christian Wulff (CDU), président de la République fédérale, assurait à son homologue russe Dimitri Medvedev que la Russie était devenue un « partenaire clé » de l’Allemagne en ce qui concernait l’économie et la sécurité du continent.
Medvedev indiquait quant à lui qu’avec l’aide du savoir faire et de la technologie allemande la Russie avait pu accroître sa productivité énergétique de 30 à 50 %. Wladimir Poutine, chef du gouvernement russe à l’époque, soulignait de son côté que « presque toutes les grandes entreprises » allemandes étaient présentes en Russie.
La fédération des industries allemands (BDI) s’insurgera quant à elle en juillet 2020 contre les critiques et les menaces de sanctions du gouvernement US à l’égard des sociétés parties prenantes du gazoduc Nord Stream 2, qui provoquaient, selon la BDI, une tension sévère au sein du partenariat transatlantique.
 Cette politique économique et industrielle  privilégiant la Russie, promue par les grands groupes allemands a bénéficié de l’aval de tous les chanceliers depuis les années quatre- vingt-dix, d’Helmut Kohl (CDU) à Gerhard Schröder (SPD) et Angela Merkel (CDU).
Le poids des groupes industriels tels que BASF explique aussi sans doute les hésitations du nouveau chancelier, Olaf Scholz (SPD), au lendemain de l’invasion de l’Ukraine avant de geler le gazoduc Nordstream 2 promu par  Gazprom’ et BASF et les difficultés rencontrées par le gouvernement allemand pour mettre fin à l’approvisionnement de l’Allemagne en gaz russe.

Un projet qui ne fait pas du tout l'affaire des grands groupes tels que BASF, Wintershall et Siemens.

 

Michel Verrier

Author: Michel Verrier

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