Bras de fer entre Berlin et Ankara
Publié le mardi 31 mai 2016, 18:33 - Europe - Lien permanent
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La liberté de circulation des citoyens turcs en Europe, la levée des visas ne seront pas de mise le 1er juin comme il avait été envisagé. Car Ankara ne remplit pas les conditions qui en sont la clé, afin de mettre la législation turque en accord avec les lois européennes. En ce qui concerne notamment les lois dites anti-terroristes. imposées par le président turc, dont la levée de l'immunité parlementaire des députés pro-kurdes du HDP afin d'entamer leur procès, voire de les exclure du parlement d'Ankara
.La chancelière s'était attirée de vives critiques pour avoir désavoué l'humoriste allemand Böhmermann, face à Erdogan ( voir Erdogan Böhmermann, affaire d'état pour un clip). Elle a par contre mis les points sur les i en rencontrant le président turc à Istanbul, le 23 mai, lors du premier sommet d'aide d'urgence de l'ONU.
Merkel assure avoir fait part à Erdogan de sa profonde inquiétude face à la gravité de ces événements avec Erdogan. Elle lui a répété que l'intégration du peuple kurde est importante pour la stabilité du pays et s'est également entretenue avec des représentants de la société civile. "Il faut une justice indépendante, des médias indépendants et un parlement fort", a-t-elle conclu. Nous suivrons attentivement l'évolution de la situation".
Erdogan est aujourd'hui incontrôlable, commente le Süddeutsche Zeitung, mais c'est lui le contrôleur de la « sublime porte ». On pourrait espérer qu'il en soit autrement mais la politique n'est pas un cadeau de Noël. La situation dans laquelle se trouve la chancelière lorsque qu'elle dialogue avec le président turc n'est pas facile. Elle poursuit néanmoins ses efforts et c'est bien ainsi. Les moqueries à son égard sont pures mesquineries. Il n'y pas d'autre possibilité que de discuter et de négocier avec Erdogan.
Et l'on doit accorder à la Turquie tout le respect qu'elle mérite en accueillant tant de réfugiés syriens, non par condescendance mais parce qu'il s'agit de la réalité. « Les bons ne sont pas dans l'UE et les mauvais en Turquie en ce qui concerne la politique des réfugiés. Il y a des tords des deux côtés. »
Le vote au Bundestag le 2 juin d'une résolution condamnant le génocide arménien va accroître par ailleurs les dissensions entre Berlin et Ankara. « Ce sera un poison pour les relations entre les Allemands et les Turcs en Allemagne, et en Turquie également », menacent les courriels adressés par des associations turques aux parlementaires, rappelant que 30 000 Allemands sont établis dans la région d'Antalya. A Berlin 1300 manifestants de la communauté turque ont protesté contre le prochain vote du Bundestag. « Une campagne soutenue, voire organisée par le gouvernement Erdogan », selon Sevim Dagdelen, député du parti die Linke.
Le texte de la résolution sur le génocide arménien a été rédigé au-delà des frontières des partis, et réunira donc les voix de députés de tous les groupes parlementaires, lui assurant une large majorité. Il caractérise à plusieurs reprises le massacre des Arméniens il y a cent ans de génocide, le mot tabou pour la Turquie. Le débat sur le texte de la résolution proposé au parlement dure déjà depuis plus d'un an selon le quotidien berlinois Tagesspiegel.
Un vote avait été repoussé jusqu'ici en raison entre autres des difficiles négociations sur la question des réfugiés entre la Turquie et l'Union européenne. Mais les réserves exprimées alors au sein des groupes parlementaires CDU/CSU et SPD sur le vote d'une telle résolution par crainte des réactions du président Erdogan se sont dissipées, sous la pression des Verts en particulier.
Mais les députés du Bundestag membre des groupes parlementaires CDU/CSU et SPD, alliés au gouvernement d'Angela Merkel, subissent particulièrement les pression des lobbys turcs, afin qu'ils votent non ou soient absents lors du vote. Les députés d'ascendance turque sont également particulièrement visés.
Le président du parti vert, Cem Özdemir, est assailli en plus de menaces et d'insultes via Facebook et twitter. Ce sont toujours les mêmes termes : « traître, cochon d'Arménie, fils de p…, terroriste arménien et même nazi », explique-t-il à Tageschau.de l'émission d'actualité de la chaine de télévision ARD. Mais ces tentatives d'intimidation doivent rester sans suite, car en Allemagne « à la différence de la Turquie, aucun député ne doit craindre d'être jeté en prison voir assassiné. Aydan Özoguz (SPD), secrétaire d'état chargé de l'intégration au sein du gouvernement Merkel regrette le vote d'une résolution qui risque de « fermer les portes » entre berlin et Ankara. Mais elle votera en sa faveur pour renforcer la volonté commune du Bundestag, rapporte der Spiegel.
Pour Katrin Göring-Eckardt, présidente du groupe parlement des verts la résolution est le symbole d'un parlement confiant en lui même. Sa résolution est d'autant plus importante qu'il n'y a « pas d'avenir sans mémoire ». Le texte évoque également la responsabilité de l'empire allemand allié de l'empire ottoman à l'époque. Le vote du Bundestag mettra fin aux tergiversations du gouvernement. Erdogan a encore téléphoné à Merkel mardi 31 mai pour la mettre en garde contre le vote de la résolution. Le gouvernement à Berlin espère que les réactions d'Ankara resteront modérées.
Il y a cinq ans, la Turquie avait rappelé son ambassadeur en France, au lendemain du vote d'un texte interdisant la négation du génocide arménien à l'assemblée nationale. Ankara avait rappelé également son ambassadeur auprès du Vatican en consultation, en réaction aux déclarations du pape Francis selon qui le massacre des Arméniesn est le premier génocide du 20è siècle. Les deux ambassadeurs on réintégré leurs postes depuis.
Frank-Walter Steinmeier (SPD), ministre des affaires étrangères, espère que « les relations entre l'Allemagne et la Turquie ne souffriront pas du vote de la résolution du Bundestag et que les deux pays continueront à travailler de concert ».