Merkel: double langage sur la sortie de l'Union
Publié le lundi 04 juillet 2016, 19:06 - Europe - Lien permanent
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"Cela ne doit pas durer éternellement, mais je ne suis pas non plus pour abréger les délais", expliquait-elle en quelque sorte, selon der Spiegel on line lundi 27 juin. Les "politiques à Londres doivent avoir le temps de considérer pleinement les conséquences de la sortie", glisse son conseiller Peter Altmeier (CDU).
L'attentisme de la chancelière ne tient pas seulement à son habitude de laisser le temps qui passe décanter les problèmes trop brûlants, Le départ de l'Angleterre signifie pour Merkel la perte d'un allié de poids dans les questions de fond, face à la France et aux pays du sud de l'Europe. En ce qui concerne le déficit budgétaire et la politique d'épargne, Paris et Rome réclament ainsi depuis longtemps une politique plus tolérante de puis des années.
Dans les années soixante-dix par ailleurs, l'Allemagne gouvernée par la CDU d'Helmut Kohl était l'un des plus chauds partisans de l'entrée de la Grande Bretagne dans la communauté économique européenne. Le Genéral de Gaulle voulait au contraire tenir les britanniques à l'écart de l'Europe afin de ne pas fragiliser l'influence de son pays au sein de la communauté. Le président français actuel n'est pas un homme du format de De Gaulle. Mais il voit bien qu'il aura plus d'influence dans une Europe à 27, la grande-Bretagne partie. La France traverse depuis des mois une crise politique et économique profonde.
A dix mois des élections présidentielles le Front National fait pression pour une référendum sur l'appartenance à l'Union alors que la parti socialiste parait en déconfiture. Le Brexit pourrait être pour lui une libération et pourrait renforcer sa position face à Merkel. Il a rencontré le premier ministre social-démocrate italien Renzi à Paris, tous deux veulent visiblement faire pression sur Merkel. Tous deux ont plaidé pour l'ouverture rapide des négociations du Brexit. Hollande s'est « retenu », mais le chef du parti socialiste, Jean Christophe Cambadelis a déclaré après l'avoir rencontré: "ce n'est pas le moment d'hésiter, la Grande Bretagne ne doit pas dicter plus longtemps l'agenda de l'Europe". Ce qui a été compris comme un signal de Hollande.
Matteo Rienzi fait pression pour les mêmes raisons que Hollande. Son pays traverse une crise économique et politique profonde comme son voisin français. Le pouvoir de Rienzi est ébranlé, les récentes élections communales ont démontré la croisance des partis anti-européens. Lors de sa rencontre avec Hollande à Paris les deux hommes auraient envisagé un nouveau programme d'investissement et un intégration renforcée de l'eurozone. Renzi cherche depuis longtemps plus de marge en ce qui concerne le déficit budgétaire, afin de redonner du souffle à l'investissement intérieur. Il a un partenaire tout trouvé avec Hollande sur ce terrain. Mais il s'est cassé les dents jusqu'ici sur la politique de Merkel.
Le Frankfurter Allgemeine Zeitung mardi 28 juin avait décoré sa une d'une superbe photo d'un plat de Fish and Chips, « et maintenant du vinaigre dans le poisson » les chers anglais veulent « tout et le reste » le succès d'une campagne pour la sortie et ensuite que tout reste plus ou moins comme avant.
Alors c'était un conte de fée ce que les partisans du Brexit ont fait croire à leurs électeurs, commente le quotidien de Francfort. Ainsi Boris Johnson la tête de la campagne pour la sortie de l'Union a fait sa réapparition après avoir paru être totalement surpris de sa victoire en assurant que l'Angleterre garderait son accès au marché commun.
« C'est possible, souligne le Frankfurter Allgemeine, ce serait même dans l'intérêt de l'économie allemande. Mais à partir de quand et à quelles conditions ? » Lorsque la sortie de l'Union aura eu lieu et que les négociations s'ouvriront sur les nouvelles relations entre e royaume uni -ou ce qu'il en restera- et l'UE il s'agira avant tout de parler économie. L'accès au marché commun ne sera pas gratuit. Londres devra accepter ses règles. La libre circulation est l'une d'entre elles. Mais n'est-ce pas là justement ce que les partisans du Brexit voulaient entraver.
« Sans libre circulation pas de marché commun. Le camps des sortants ne devrait pas faire comme s'il vient de le découvrir. C'est se moquer des électeurs. Et pourquoi tout ce théâtre quand en plus une contribution au budget de l'Union devra toujours être versée ? La vérité est que Johnson and Co n'avaient aucun plan pour le jour d'après. »
Le rappel à la réalité a été brutal souligne l'hebdomadaire die Zeit. Cameron au sortir du sommet des 28 états membres à Brxelles énumérait ainsi les multiples liens qui attachent la Grande Bretagne à l'Europe. De l'Estonie soutenue il y a un siècle par la flotte britannique aux réfugiés tchèques de 1948 et 1968 à la bataille de la Somme aux côtés des Français, célébrée cette semaine côte à côte avec Hollande. « Les relations entre les Irlandais et les Britanniques n'ont jamais été si bonne qu'au sein de l'Union européenne, selon lui. »
« Mais pourquoi Cameron découvre-t-il son attachement à l'Europe alors qu'il est trop tard, c'est un secret...Jusqu'ici il a passé six ans à Bruxelles en répétant que l'UE était une organisation supranationale comme les autres, dans laquelle il s'agit avant tout de tirer le meilleur parti pour son propre pays. Et maintenant il reconnaît que l'on ne peut pas bénéficier de tous les avantages de membre du club sans en supporter les frais. »
Merkel pratique en fait vis à vis de Londre le double langage. « Nous sommes des reponsables politiques. Nous ne sommes pas là pour entretenir notre deuil, déclarait Merkel à Bruxelles lors du sommet européen, arborant un blazer blanc. « le ressentiment, la colère ne sont pas des catégories de conduite politique. Cela n'a rien a voir avec les échanges professionnels, rapporte die Welt . Est-ce simplement pour le show, le retour à la normalité après ce « moment historique, comme le dit la chancelière elle même ? Ou bien Angela Merkel en sait elle plus qu'elle ne le dit ?
Y-at-il une porte de sortie, aussi étroite soit-elle, un espoir chimérique pour qu'en fin de compte la séparation n'aie pas lieu, Londres faisant un pas en arrière et restant au sein de l'Union européenne. La question a été abordée lors de la rencontre au sommet du parti européen populaire -rassemblant les partis de droite et centre-droit-, à laquelle Merkel a pris part. Mais la chancelière attend avec certitude que les Britanniques accomplissent la procédure de sortie de l'Union.
"Le referendum est là", c'est la réalité, a-t-elle répété avant de dire quelque chose qui résonne avec plus de prudence : « je veux dire très ouvertement que je ne vois pas d'issue ce soir qui puisse mettre en question la décision des britanniques de sortir de l'Union européenne. Tout le monde ferait bien de tenir compte de la réalité. Ce n'est pas le moment de rêver. Ce qui semble vouloir dire que la chancelière ne voit pas de possibilité de stopper la sortie de l'Union.
Mais est-ce que cela vaut seulement pour « ce soir » ou bien sur le fond? Merkel ne le dit pas. Der Spiegel on line réaffirmait ce samedi 2 juillet que Merkel espère toujours un changement une sortie du Brexit et non de l'UE en quelque sorte ...la chancelière veut en fait traiter les britanniques « aussi doucement que possible ». Le gouvernement affiche ouvertement son attente du Brexit tout en espérant cependant une volte-face des britanniques.
Peter Altmeier (CDU) bras droit d'Angela explique dans un interview au Spiegel que le débat politique sur la sortie de l'UE vent tout juste de débuter en grande-Bretagne. « C'est donc une bonne chose d'attendre qu'il se termine. » La devise de Merkel est de gagner du temps d'être amicale avec les Britanniques, de ne pas faire de pression et de rejeter toutes les revendications de plus d'Europe, qui, selon elle ne feraient qu'accroître sa division.
Merkel s'est entretenu en cercle restreint avec ses proches conseillers pour envisager les options qui permettraient peut être à la Grande-Bretagne de rester dans l'UE. Un nouveau référendum, de nouvelles élections. Tout le monde s'accordait sur un point : L'Allemagne ne doit donner surtout pas donner l'impression qu'elle attend un « exit du Brexit ».
Il s'agit avant tout pour la chancelière d'éviter que les Britanniques soit contraint de recourir à l'article 50 trop tôt, sous la pression d'Hllande, Schulz et de la commission de Bruxelles. Elle a obtenu au dernier sommet de l'UE que les pays partenaires donnent à la Grande-Bretagne la possibilité de se doter d'un gouvernement fiable. Ce qui pourrait urer jusqu'en septembre. D'ici là le calcul de Merkel est que les convictions aient changé sur l'île...