Les infiltrations minent le site de stockage des déchets nucléaires d'Asse II
Par Michel Verrier, mercredi 17 septembre 2008 à 18:13 :: Nucléaire/Écologie :: permalien #218
Le signe anti nucléaire sur la barrière d'un jardin
A quelque dizaines de kilomètres de Braunschweig , le mont Asse, domine champs et Forêts. Les villages aux maison rupestres et aux jardins florissants se succèdent. Les éoliennes coiffent les collines et les panneaux solaires s'étalent sur les toits proches de la municipalité de Remlingen ou une exposition permanente détaille l'histoire du centre de recherche sur le stockage des déchets nucléaires du site minier d'Asse II. Avec ses menaces. En face, à mi-flanc sur les hauteurs qui dominent la ville, se dessine la roue de la mine. Ouverte en 1908 on y extrayait du sel. Le puits descend jusqu'à 950 mètres. Il a cessé d'être exploitée en 1964. De 1967 à 1978, 126 000 futs de déchets nucléaires ont été ensevelis dans les galeries à titre d'expérimentation. Le sel faisait figure de modèle pour stocker les fûts sans danger des milliers voire des millions d'années. A condition que la mine soit totalement étanche et la nappe phréatique totalement isolée.
La mine d'Asse II
Or contrairement aux assertions d'origine des experts il y a quarante ans, Asse II est « à peu près aussi troué qu'un morceau de gruyère suisse », assène le ministre de l'environnement allemand, le social démocrate Sigmar Gabriel, député de la région. 12 mètres cubes (12 000 litres) d'infiltrations pénètrent quotidiennement la mine par le flanc sud, depuis 1988 imprégant le sel des galeries qui se transforme en espèce de mélasse plastique au fil des décennies. Certaines galeries s'affaissent -voire s'effondrent- sous la pression du sommet du massifqui s'est enfoncé de quelques mètres, provoquant de nouveaux points d'infiltration. Barrages, cloisons, canalisations de béton, rien n'arrête le liquide.
Le Helmholtz Zentrum de Münich (HZM), l'organisme chargé de l'exploitation du site sous la tutelle du ministère de la recherche, a entamé la stabilisation de la mine en comblant corridors et galeries d'entrepôt des déchets avec 2,5 millions de m3 de sel. Mais les infiltrations trouvent toujours le chemin imprévu pour aller ruisseler sur les fûts de déchets, soigneusement rangés ou bien accumulés dans le plus complet désordre, au fond d'un puits.
Le sel était censé devenir un emballage infaillible au fil du temps, les fûts étaient donc trimballés au début des années soixante-dix dans d'énormes bulldozers qui pouvaient les déverser sans aucune précaution les uns sur les autres. Certains ont été endommagés. Les infiltrations sont devenues le moyen de transport des rayonnements qui s'en échappent.
Au niveau moins 750 mètres par exemple, des infiltrations contaminées au césium 137 s'accumulent depuis 1993, dans un petit étang. Elles peuvent atteindre jusqu'à huit fois la norme limite de 10000 becquerel/kg. De 2005 à 2007, 77 mètres cubes (77 000 litres) de saumure contaminée ont été pompés et transportés 200 mètres plus bas, afin d'être dissous avec du matériel radio-actif dans une mixture de sel et de chlorure de magnésium pour diminuer les rayonnements. D'autres infiltrations contaminées sont pompées à la surface pour être évacuées.
Mais à terme leur accumulation sera telle que la mine deviendra inexploitable. Des expertises en cours fixent la date limite entre 2014 et 2025. « Le temps presse, estime le professeur Klaus Jürgen Röhling, spécialiste des déchets nucléaires. »
Le HZM propose maintenant d'inonder Asse avec une solution de chlorure de magnésium, qui stabiliserait la colline et annihilerait les rayonnements. Le projet de « protection fluide »a été déposé fin 2006 auprès des services des mines, de l'énergie et de géologie du Land. Il rencontre l'hostilité totale des habitants de la région. « C'est un plan qui admet la dissolution des futs qui contiennent les déchets à l'avenir, et la contamination de nappe, note Heike Weigel de l'association régionale aufpAssen ( un jeu de mot qui lie le nom d'Asse avec le verbe faire attention « aufpassen »). Celle-ci revendique au contraire le retrait des déchets de la montagne. Un travail de titan qui durerait des années et couterait des milliards, s'il est encore possible.
Sigmar Gabriel, qui a repris le dossier Asse en main depuis le 2 septembre, accuse en fait le HZM et le ministère de la recherche de sa collègue chrétienne démocrate Annette Schavan d'incompétence. Il a aussitôt demandé de nouvelles expertises, pour tenter de choisir le moins catastrophique de ces recours ultimes.
Mais la faillitte d'Asse rejaillit inévitablement sur l'ensemble des projets de stockage des déchets nucléaires. Le site de Gorleben, situé à 100 kilomètres environ d'Asse II et ou devraient être entreposés les déchets des centrales allemandes, retraitées à la Hague est aussi un gisement salin. « On ne peut pas dire évidemment que c'est la même chose qu'Asse, souligne Peter Dickel, écologiste de « l'association de la mine Konrad », mais son étanchéité n'est pas plus garantie ». La mine Konrad, à Salzgitter, non loin d'Asse et dont l'exploitation pour le stockage des déchets a été autorisée en 2002, sous le gouvernement Schröder, ne serait pas non plus à l'abri des infiltrations. Quant à Morsleben, le centre de stockage des déchets nucléaires de l'ex RDA, à 50 kilomètres d'Asse, il a du être été fermé en 1998, pour limiter les dégâts.
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
:: Fil rss des commentaires de ce billet ::
Ajouter un commentaire