La "modération salariale" et la société à deux vitesses
Par Michel Verrier, jeudi 23 décembre 2010 à 17:47 :: social :: permalien #203
La fédération allemande du commerce (HDE), qui négocie actuellement avec le syndicat des services « Ver.di » un salaire mini pour les 2,8 millions d'employés de la branche, qualifie elle même la proposition de Lidl d '« irréaliste ». Les accords en vigueur dans le commerce de détail varient actuellement de 7 euros dans le Land de Mecklembourg-Poméranie à 8,80 euros dans le Bad Würtemberg (Stuttgart). Ver-di espère que : « nombre d'employeurs suivront l'exemple du salaire mini-Lidl" qui s'élève à 1,5 euros de plus que ce que réclame le syndicat.
Les revenus sont le revers de la médaille de la croissance allemande souligne le dernier rapport du bureau international du travail (BIT). La République fédérale détient avec -4,5%, la palme de la régression des salaires brut depuis l'année 2000 dans les entreprises privées, devant le Japon -contre une augmentation de 8,6% en France par exemple.
Le salaire brut moyen s'élevait en 2009 à 2154 euros, une centaine d'euros de moins qu'il y a dix ans. Une régression qui tient avant tout à l'extension des statuts précaires, des emplois à faibles revenus, des « 400 euros job ». Les rémunérations des salariés de ces catégories sont inférieures en effet d'un tiers à celles des travailleurs disposant d'un emploi fixe à temps plein.
Les réformes du marché du travail dites « Harz IV », la réduction des prestations chômage, la multiplication des emplois précaires dont les « 1 euro-job » -payés 1 euro/heure en plus des indemnités minimum- ont conforté la société duale. Le chiffre du chômage officiel, 2,931 millions en novembre, est retombé au niveau de 1991. Mais 7 millions de personnes dépendent des prestations sociales. Soit un Allemand sur onze, dont ces « travailleurs pauvres » qui ne peuvent pas vivre de leurs revenus.
Le retour de la croissance va de pair avec la croissance de la misère.
Tout le monde n'est pas au même régime cependant. La régression des salaires ces dix dernières années en Allemagne, mise en relief par le Bit, tient avant tout à la croissance des statuts précaires, les salariés en poste fixe à temps plein ont au contraire leur revenu moyen croître de 6,7% au cours des dix dernières années -après déduction de l'inflation. Leur salaire est passé de 2752 euros en 2000 en moyenne à 2936 Euros en 2009.
La modération salariale affichée pendant la crise par les syndicats de l'automobile ou de la métallurgie visait à la fois à préserver les salaires tout en garantissant l'emploi. L'Allemagne sur ce plan a mieux résisté que les autres pays industriels souligne le BIT Elle a réduit sa production avant tout en réduisant le temps de travail.
« Le « Kurzarbeit », -les mesures gouvernementales d'aide au chômage partiel dû à la crise- nous permet de ne pas produire une auto de trop dans nos sites, expliquait Martin Winterkorn président de Volswagen, dés mars 2009. La semaine de 35 heures qui peut être réduite jusqu'à 28 permet à la fois de réduire la production et de maintenir nos effectifs."
Les comptes individuels de travail des salariés permettent par ailleurs en cas de chute des commandes de récupérer les heures supplémentaires accumulées dans les périodes de « chauffe » ou les horaires peuvent atteindre 39 heures en moyenne. BMW Munich a pu ainsi fermer ses portes cinq semaines, pour amortir le choc de la crise ((lire sur mon BerlinBlog) . Une logique opposée au « travailler plus pour gagner plus » institué en France.
En préservant leur personnel qualifié, les entreprises ont pu répondre à la demande dés les premiers signes de reprise, tout en bénéficiant par ailleurs de la réduction du coût du travail des emplois sous-qualifiés ou temporaires, instaurée par les réformes Harz IV.
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