Les entreprises allemandes diversement touchées par la crise
Par Michel Verrier, samedi 18 octobre 2008 à 10:01 :: économie :: permalien #67
La peur du lendemain est quotidienne chez « Busgalerie » à Berlin-Schöneberg. Les multivan, véhicules de direction, camping-car, VW et Mercedes ne trouvent plus d'acheteurs depuis des mois. « Si cela continue on devra fermer boutique, dit d'un air sombre le « manager » des finances». Pessimisme aussi au « Garage Schneider », concessionnaire Nissan et spécialistes de voiture de sports de luxe, Porsche, BMW, Chevrolet. Les clients sont rares dans le bas de gamme, les ventes des coûteux cabriolets sont au plus bas.« Les Allemands sont comme ça. Ils ont peur, les médias relaient chaque jour de mauvaises nouvelles, ils gardent leurs économies dans leurs bas de laine ». La consommation de biens plus modiques ne semble pas touchée par contre. Pour le marchand de meubles de bois faits mains du voisinage, les « affaires tournent ».
Chez « Saturn », grande surface du tout électronique, cinq étages en plein centre de Berlin a deux pas du Kufürstendam, les vendeurs d'appareils photos, d'écrans plasmas, d'ordinateurs ou de machine à laver dernier cri ne sont pas pessimistes à la veille des vagues d'achats qui vont déferler jusqu'à Noël. « les affaires sont aussi bonnes que d'habitude.  Les « petits » ne sont pas concernés par la crise financière actuelle, estime Wolfgang Bart (nom changé à sa demande), au guichet de la Citibank qui garanti le crédit nécessaire à tout client de Saturn. Il n'y a pas eu de consignes particulières de la banque ces dernières semaines pour en durcir les conditions. C'est à l'échelon au dessus chez les petites et moyennes entrepreneurs, qu'il y a problème ».
Et ils ne datent pas de ces derniers jours.
Mario Ohoven, président de la « fédération des moyennes entreprises (BVMW)» soulignait » dés le début de l'année les craintes de celles-ci face au resserrement du crédit. Une menace qui se traduit aussi bien par des annulations de commandes que par des freins aux investissements dans l'entreprise. La branche mécanique-machine-outils en particulier, pilier des performances à l'exportation du n° 1 mondial, y est particulièrement sensible. Koenig & Bauer, fleuron du matériel d'impression place ainsi 85% de ses commandes à l'étranger. Il a enregistré depuis le début de l'année des annulations de contrats de plusieurs dizaines de millions, aux USA notamment. Les clients n'obtenaient plus les crédits nécessaires à leurs commandes. L'entreprise a été contrainte de restreindre ses capacités et a dû réduire ses effectifs. Sombre perspective que les plans de sauvegarde des systèmes bancaires adoptés aux USA et en Europe viennent tout juste d'éclaircir. Même s'« il est trop tôt pour juger de leur effet, expliquait Klaus Schmidt, chef du marketing, mercredi 15 octobre. La confiance peut revenir, mais on y verra plus clair d'ici deux semaines. Nous avons toujours des clients qui préfèrent attendre pour mesurer les dégâts. Ils se décideront en novembre ou décembre peut être».
Les petites et moyennes entreprises ne voient pas toutes l'avenir en noir. « Leur bon moral a certes chuté de 4,9% par rapport à 2007, souligne Michael Bretz expert financier de Creditreform VVC, organisme spécialisé dans le financement et le développement des « PME ». mais elles restent encore optimistes, voire très optimistes. 46,9% d'entre elles jugent leurs perspectives bonnes ou très bonnes. 5,4% seulement, insuffisantes ou très négatives. 80% d'entre elles craignent certes pour leur accès au crédit. « Mais on n'en est pas encore là . Les crédits aux petites et moyennes entreprise restent assurés même si les conditions en sont renforcées. Ils pourraient même redevenir un bon placement pour les banques. Car il y a derrière des immeubles des terrains, des machines et du matériel visibles pour les garantir. » Ce n'est pas du papier.
La majorité des petites et moyennes entreprises ont renforcé par ailleurs leurs fonds disponibles ces dernières années. Dans le bâtiment les caisses d'épargne pour le logement ne sont pas touchées par la crise et enregistrent actuellement une hausse des comptes de 20%. Un placement sûr. Leur fédération, qui compte 16 millions de déposants, n'a pas besoin du marché des capitaux pour se refinancer.
La branche des technologies de l'information et de la communication pourrait par contre être sérieusement touchée par la crise. Elle dépend des investissements en matériels et services qui ne constituent pas la première priorité aujourd'hui. Même SAP le géant du logiciel d'entreprise, le petit Microsoft allemand, a vu fondre ses contrats et décidé entre autres de mettre ses employés en congé forcé à Noël. Les petites et moyennes entreprises de la branche sont très souvent liées aux entreprises vedettes de l'économie allemande et à leurs sous-traitants, dont elle assure les liens permanents. Or dans la branche automobile par exemple l'ambiance n'est guère à l'optimisme. Opel, BMW, Mercedes , ont réduit, voir stoppé leur production ces dernières semaines, victimes de l'attentisme des clients en Allemagne, des revers à l'exportation aux USA, de la crise du crédit, lourde pour des constructeurs qui ont intensifié ces dernières années la vente en leasing à leur clientèle.
Les salariés temporaires sont les premiers à se retrouver au chômage. Autant de nuages qui expliquent les dernières analyses des instituts de conjoncture allemands qui affichent une croissance de 0,2% pour 2009, contre 1,8% en 2008.
. (article publié dans la Croix, 17/10)
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