10 Allemands parlent de la crise, de l'Europe, et de l'euro

La majorité des Allemands seraient des nostalgiques du Dmark, si l’on en croit la majorité des sondages assure le Bild zeitung -qui ne publie pas les sondages qui remettent en cause cette image simpliste. Réalisés au plus fort de la crise avec la Grèce, ces interviews contredisent cette idée toute faite.
S’il existe une «nostalgie du Dmark», il n’existe pas de majorité favorable à un retour à la monnaie allemande, symbole de la renaissance d’après la guerre.
Mais d’abord un petit coup de chapeau d’abord pour celle qui a été couronnée meilleur diplomate de l’Allemagne le 29 mai 2010.

*Lena, 19 ans, lycéenne allemande au prénom grec, originaire de Hanovre, en Basse-Saxe, a été plébiscitée par le public européen au festival de l'Eurovision d'Oslo avec sa chanson « Satellite », chantée en Anglais « Love, oh love»! Elle efface pour les Allemands la cruelle image que leur renvoyait l'Europe, ces dernières semaines. Celle d'une Allemagne « moche », avec ses diktats, sa chancelière « de fer », ses « pourquoi devrions nous payer pour la Grèce » et ses principes économiques intangibles quels que soient les enjeux. « Merci Lena, » titrait hier le quotidien financier Financial times Deutschland, estimant que la jeune femme a fait plus en un soir à Oslo pour « l'idée de l'Europe, que les efforts des politiques, ces dernières années ».

*Konstantinos, 55 ans, tient un café restaurant à Berlin-Moabit
"Ces derniers mois certains de mes clients blaguent en me donnant leur pourboire « tiens Konstantinos c'est pour la Grèce ». Sinon rien n'a changé. Je vis à Berlin depuis 35 ans. Je ne ressens aucune hostilité particulière contre les Grecs. Et je n'éprouve pour ma part aucune colère contre l'Allemagne, ou contre Merkel. Elle a pris son temps avant de faire voter le plan d'aide à la Grèce et ça nous a coûté des milliards de plus, mais c'est un problème politique et pas une histoire d’affrontement entre les gens.
Je serais plutôt en colère contre les politiciens de mon pays. Ce sont eux les responsables de la situation. Les Grecs ne savent pas gérer un budget ou ne veulent pas payer leurs impôts. Notre état est presque en faillite, ce qui n’est pas le cas des Grecs qui ont de l'argent. Et puis attention l'Allemagne ne nous donne rien. C'est du business. Elle emprunte des fonds à une banque à 1,5% environ et nous les prête à 5%. C'est elle qui fait un bénéfice. "

*Angelika, 31 ans, professeur de collège à Berlin.
"Moi je n'ai jamais été pour l'euro. Chaque pays a sa façon d'administrer son argent, cela fait partie de ses traditions. Nous ne devrions donc pas dire aux Grecs comment ils doivent gérer leur budget. C'est parce que nous sommes obligés d'avoir la même monnaie qu'on est contraint de faire la police. Jusqu'au moment ou ça explose. C'est ainsi qu'on monte les gens les uns contre les autres. Regardez l'exemple de la Yougoslavie qu'on a voulu unifier de force, cela a fini par une guerre au milieu de l'Europe.
Chacun travaille pour soi, selon ses valeurs, pourquoi « se saigner » aujourd'hui pour les Grecs qui vivent autrement que nous. Chacun son identité. Attention je n'ai rien contre la Grèce, c'est une culture merveilleuse. C'est l'Union européenne qui est responsable de son entrée dans la zone euro, alors qu'il aurait fallu s'y prendre autrement."

*Ansgar Belke, 45 ans, professeur d'économie, faculté de Duisbourg-Essen
"Les avantages de la zone euro pour l'Allemagne sont tels que pour le moment elle n'aurait aucun avantage à en sortir. Un retour au D-mark signifierait une forte réévaluation de la monnaie allemande. Ce ne serait pas trop grave car nous exportons dans les branches de haute technologie, mais le réajustement des monnaies des partenaires européens l'amplifierait encore. L'intérêt d'une zone Dmark est très inférieur à celui d'une zone euro et les couts fixes du retour aux monnaies nationales démultiplieraient ceux du passage à l'euro.
Il est possible par contre que la Grèce et le Portugal soient contraints de sortir de l'euro. Il faut essayer de les stabiliser encore une fois. Mais ça n'ira pas plus loin. Car les Allemands ne veulent pas d'une union de transfert des risques.
Tous ces débats empoisonnent l'atmosphère de la zone, parce qu'on a fermé la soupape de la dévaluation par exemple pour compenser les différences entre les pays membres, sans en ouvrir d'autres. Il aurait fallu alors accroitre la flexibilité des revenus, faciliter les migrations, rapprocher les systèmes sociaux. Puis le pacte de stabilité qui est le fouet de la zone euro a été allégé. Et tout cela ne pouvait finir que par des altercations."

*Andreas Manz, 33 ans, secrétaire de la fédération des paysans, arrondissement nord du Mecklenbourg Poméranie occidentale.
"Je ne peux pas juger par moi-même si les plans d'aide à la Grèce et de soutien de l'euro justifient de tels engagements financiers, je fais confiance sur ce point au gouvernement pour l'avoir vérifiés. Mais je crois très important de maintenir la stabilité de la zone euro. Je regrette simplement que toutes les précautions n'aient pas été prises avant la crise. Les données économiques de la Grèce communiquées aux autorités européennes étaient inconnues ou trafiquées. Maintenant que c'est fait et que la crise est là, il n'y avait pas d'alternative. Sortir de la zone euro ne serait pas une solution pour l'Allemagne. Nous sommes un pays d'exportation et ce serait réduire nos forces face à nos concurrents, les USA ou la Chine, qui bénéficient déjà d'un espace économique plus important que l'Europe. Et puis la politique agricole commune européenne est pour nous déterminante, il n'est même pas pensable d'en sortir".

Helga, Ingrid, 72, 75 ans, retraitées à Berlin.
-« On veut sauver l'euro avant tout. Ce que disent les experts c'est qu'il est très important de soutenir la monnaie commune et pour cela il ne faut pas que la Grèce fasse faillite, sinon cela mettra aussi l'euro en danger. «On a fait l'Europe maintenant il faut se serrer les coudes, assurer sa stabilité, même si ça nous coute de l'argent. En Allemagne on a toujours l'impression que ça marche l'économie même si c'est difficile pour ceux qui sont au chômage.
-« On ne peut pas revenir au D mark, c'est fini, c'est passé. Bien sûr nous éprouvons parfois une nostalgie certaine en voyant le prix de certains produits que nous achetons en euro aujourd'hui, et qui sont à peu près équivalent à leurs prix en Dmark autrefois. Alors qu'un euro vaut deux Dmark!

*Cornelius Adebahr, expert du DGAP pour les questions européennes. Berlin
"Laisser la Grèce faire faillite et revenir au Drachme semble possible en théorie, mais si l'on réfléchit aux conséquences ce n'est pas une solution praticable. Les critique de madame Christine Lagarde sur la politique économique allemande fondé sur l'export ne me choquent pas. Certains disent la même chose ici. Toute la question est de savoir maintenant comment les politiques des pays membres de la zone euro peuvent se coordonner, ce sur quoi les ministres de finances devront s'entendre. Je crains que l'Allemagne n'ait pas aujourd'hui de vision d'avenir de l'Europe. Madame Merkel s'est engagée ces dernières années pour le traité de Lisbonne, la lutte pour le changement climatique, ce qui est très méritoire. Le gouvernement a voulu stabiliser la monnaie européenne à travers la crise. Mais à terme c'est insuffisant. Pour en sortir, il faut dire aujourd'hui vers quoi on veut aller, et développer des projets concrets avec nos partenaires. On ne peut pas simplement répéter que l'Europe doit s'affirmer dans le cadre de la globalisation."

*Michael Leppek, 39 ans, secrétaire de l'IG Metall, Münich
« En Bavières nous sommes particulièrement dépendants des exportations avec l'automobile, la mécanique, et nous mettons en garde depuis longtemps contre cette orientation exclusive de notre économie. En période de crise les exportations chutent et le marché intérieur, la consommation reste atone. Ce n'est pas une bonne solution non plus pour l'Europe. L'euro c'est l'avenir. Mais nous avons besoin d'une monnaie stable. Il faut travailler à un rapprochement au sein de la zone euro du point de vue des échanges des états membres, construire un équilibre entre les pays forts et faibles. Nous militons pour l'uniformisation des conditions de vie et de travail dans la zone euro, et pour une meilleur synchronisation des économies. . L'Europe est le seul projet qui peut rassembler les peuples. Elle a fini par s'ancrer dans la tête et le coeur des gens, nous devons faire très attention à ce que de telles crises n'entrainent un repli sur une politique nationaliste. »

*Alexander, 21 ans, Charlotte, 21 ans, étudiants à l'université de Humbold, Berlin.
- « Évidemment je ne trouve pas ça génial que les Grecs aient englouti ces sommes, mais quand on est membre d'une union européenne on doit intervenir. Cela doit aller de pair avec des mesures précises. Il faut surveiller ou va l'argent prêté, comment il est dépensé, et de tels faits ne doivent pas se reproduire. Mais c'est normal que l'Allemagne, puissante, paie pour la Grèce. Dans une autre configuration des forces, ce serait l'inverse. Le retour au Dmark ? Ah non, mes parents me donnaient 10 marks d'argent de poche quand j'avais dix ans! Les « nostalgiques du Dmark » sont les mêmes qui voyagent en Europe et se félicitent de garder la même monnaie. C'est super! Et puis l'euro est un avantage face à la crise.
- « C'est déterminant d'appartenir à l'Europe et l'euro est une des choses que nous avons mise en commun, cela doit rester comme ça. » ces interviews ont été publiés dans la Croix, le 6 juin 2010

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