Dresde la Silicon Valley allemande, percutée par la faillite des puces Quimonda
Par Michel Verrier, vendredi 30 janvier 2009 à 14:05 :: économie :: permalien #81
Quimonda fabrique des mémoires, ces petites barres qui emmagasinent les données nécessaires au fonctionnement de l'ordinateur en marche. La concurrence entre producteurs est sans pitié. « Au total aucun ne couvre plus ses frais de production et chacun surveille l'autre pour voir quel est le premier qui va tomber. Pas de chance c'est nous, résume Wolfgang » Même si le travail se poursuit dans les bureaux, à travers les bâtiments blancs et gris pâle, où les salles de production peuplés de blouses blanche évoquent le laboratoire et l'hôpital, la production se réduit et va soulager la concurrence. Le prix de la barre de 1GB qui équipe l'ordinateur au minimum devrait remonter à 1, 1,5 dollar et permettre aux entreprises de se financer à nouveau. La course à l'innovation produit de nouveaux modèles toujours plus rapide tous les six mois, et celui qui rate l'échéance face aux concurrents peut voir ses milliards d'investissements indispensables dans une branche avide de capital, s'envoler en fumée.
Le Land de Saxe, le Portugal ou Qimonda a un site à Porto, et Infineon la maison mère avaient rassemblé 325 millions de crédits pour Quimonda fin décembre. L'entreprise en fait aurait besoin du double, si ce n'est plus, pour payer ses dettes. « Nous travaillons sur une nouvelle technologie la « Buried Worldline », plus performante, économe en consommation électrique, et moins chère, explique Wolfgang. Mais pour en sortir il nous faut du fric, trouver un ou des nouveaux investisseurs et savoir ou on va ». Or « l'état de Saxe n'ira pas au delà de 150 millions », assène le ministre président démocrate chrétien du Land Stanislaw Tillich. Faute de concept convainquant sur l'avenir de l'entreprise. Sur le site, Infineon, la maison mère de Quimonda qui produit notamment les senseurs, les navigateurs GPL pour l'industrie automobile a également réduit les horaires de travail.
« Nous sentons la pression de la crise à tous les niveaux, analyse le directeur d'Infinon Peter Bauer, et même si la part de l'électronique s'accroît dans chaque véhicule, nous pourrions bien voir notre marché s'effondrer pour la première fois ». La crise qui frappe la branche automobile fait effet domino (voir mes reportages à Volkswgen Wolfsburg, et BMW Münich). Tous les producteurs et sous-traitants se tiennent aujourd'hui à travers les branches industrielles et la planète, ou presque. Winbond, l'entreprise de Taẅan qui livre chaque mois 16000 plaques de silicium à Qimonda a cessé ses livraisons. L'entreprise allemande lui doit 22 millions de dollars.
Bonnet de laine, barbe de quelques jours, Herbert sort de l'assemblée d'information du personnel, pour décrocher son vélo et retourner chez lui. Le syndic « conserve bon espoir de sauver le capital de matière grise, la richesse de Qimonda ». Les salaires seront assurés jusqu'en mars, mais on ne sauvera sans doute qu'une partie des meubles, remarque Herbert, les structures de l'entreprise sont trop lourdes. 900 emplois devaient déjà être supprimés, avant la faillite ».
Le bus qui joint les sites d'Infineon/Quimonda et d'AMD traverse les quartiers populaires ou les immeubles rutilants, refait à neufs côtoient, encore quelques maisons abandonnées, déglinguées, aux fenêtres cassées et au crépit beige sale éclaté sur des briques rougeâtres, témoins encore de l'urbanisme de crise de l'ex RDA.
Le brouillard et les nuages bas touchent presque les toits verts du site d'AMD qui s'étale, imposant, au creux d'un valon. Klaus, 32 ans, visage rond sous le bonnet de laine, garde le moral dans le froid. « On n'est tout de même pas dans la situation de Qimonda. Mais c'est comme partout, Dresde n'a pas de raison d'échapper à la crise. Pour ceux qui ont un job ça va encore. Pour ceux qui en cherche, c'est la misère. » La capitale saxonne a certes été privilégiée dans sa reconstruction, après la chute du mur. Grâce au savoir faire acquis de ses ingénieurs et ouvriers, lorsque la ville était le bastion de Robotron le combinat de l'électronique de l'ex RDA, et son université réputée reste une pépinière. Mais « c'est peut être aussi une logique de production qu'il faudrait mettre en cause, poursuit Klaus. Toujours plus, plus rapide et plus puissant. Encore faut-il vendre. » La concurrence avec Intel, le roi du processeur, est terrible. « Et dans une branche qui bouffe du capital, souligne Anja, 45 ans, c'est celui qui en a le plus qui gagne ».
En quête d'investisseur pour couvrir 5,4 milliards de dollars de dettes, le groupe AMD a trouvé l'appui de l'émirat d'Abou Dabi, qui détient aujourd'hui environ 20% du groupe américain implanté à Dresde. Quimonda trouvera-t-il une telle aubaine?
Ce billet reprend pour l'essentiel un reportage écrit pour La Croix, le 26 janvier 2009.
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